Les numéros à venir

PSYCHANALYSE YETU n° 53 – RIRE, mars 2024

Qu’est-ce qui fait rire? Pas une blague mal racontée parce qu’incomprise. Le seul à rire, dans ce cas, serait  celui qui, ayant entendu cette même blague bien racontée, rit de celui qui la raconte mal. Ou encore, la vue de Charlot virevoltant, et perdant la manchette sur laquelle sont inscrites les paroles de la chanson qu’il n’a pas apprise par coeur. Stoppons la liste: c’est un inventaire-Prévert! Pour l’ordonner, on peut remarquer que, dans le premier exemple, l’énonciateur de la blague ( la première personne selon Freud dans Le mot d’esprit), se retrouve être la seconde personne, celle dont on rit, et que la troisième personne (Die dritte Person), seule, garde sa place, mais pour rire non de la blague, mais de la sottise du premier. Dans le deuxième exemple, il est de même aisé de repérer le comique, en tant qu’accident du phallus, tel que représenté par l’envol de la manchette-prépuce. Dans l’humour, maintenant, le grand surmoi « console » le petit moi, en l’allégeant des affects de souffrance auxquels telle situation l’aurait confronté. Ainsi, le condamné mené à la potence disant: « la semaine commence bien! » C’est pourquoi , à la différence du comique et du mot d’esprit il y a, dans l’humour, du « sublime », c’est à dire un dépassement des canons qui nous enferment dans une réaction affective sans recours. D’où une conclusion: Ne rit pas qui veut!

Pierre Bruno

PSYCHANALYSE YETU n° 54 – DIABLE !, septembre 2024

Cette interjection ne saurait relever d’une injure. Comme épithète d’ailleurs non plus. Plutôt s’agit-t-il d’un éloge, promulgué par les propagandes religieuses. Un mystique soufi, Hallaj, a bien jugé en faisant du diable, devenu Satan grâce à la Bible hébraïque, le seul vrai monothéiste, parce qu’il ne veut pas adorer un autre que Dieu, en l’occurrence Adam. Luther aussi a bien jugé, à sa façon. Il tient que les êtres humains sont issus de « l’anus du diable », et qu’à ce titre, ils ne peuvent vouloir que le mal et espérer que le libre arbitre divin leur épargne le pire. Freud n’est pas si éloigné de penser ainsi, puisqu’il considère le diable, dans un premier temps, comme le représentant des pulsions mauvaises, pour dans un second temps, l’habiliter comme un substitut du père, mais féminisé, dans son article sur une névrose démoniaque au XVII° siècle. Puis Lacan : le diable n’y est guère mentionné, peut-être parce qu’il fut soupçonné d’être lui-même le diable. La référence la plus pertinente est celle qu’il fait au Diable amoureux de Cazotte (1772). C’est d’abord par la bouche d’un chameau monstrueux qu’il pose au héros, Alvare, la question de son désir Que vuoï ?. Ce héros, lui, ne répond pas à la question, mais répond de son désir en refusant à Biondetta, la figure ultime du diable, de lui vendre son âme pour qu’elle se donne à lui comme corps. Di-able : en franglais, capable de Dieu.

Pierre Bruno

PSYCHANALYSE YETU n° 55 – VOILE et RATURE, mars 2025

Pourquoi ne pas considérer le voile et la rature comme des « concepts fondamentaux » de la psychanalyse ? Freud, dans L’homme aux loups, a élevé le voile au rang de question nodale dans la cure de Serguei Pankeiff. Ce voile séparait son analysant du monde, et ne se déchirait que ponctuellement quand, suite à un lavement, les selles passaient l’anus. L’interprétation de Freud ne manque pas d’audace, mais ne pourrait-on penser que, durant sa longue vie, l’Homme aux loups n’a cessé de vouloir ne plus être « né coiffé » par la fortune parentale ? Peut-être une « rature » lui faisait-elle défaut, celle « d’aucune trace d’avant » que Lacan promeut dans « Lituraterre », en 1971. À savoir une rature qui, telle le trait du calligramme, est première, la trace n’étant jamais que seconde, contrairement au dogme de la psychologie génétique, qui induit encore en erreur.

Pierre Bruno