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PSYCHANALYSE N°30

Du maudit au transcendant.

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mai 2014

LE SAVOIR DU PSYCHANALYSTE

Sexe maudit, réel transcendant (1). Isabelle Morin

Les discours  LGBTQIA interrogent la psychanalyse sur son centre de gravité qui est la perversion de la sexualité humaine.  Ce texte tente de montrer que ce qui est décisif  dans l’écart qu’il y a entre psychanalyse et ces discours est l’effacement  de la différence des sexes et ce qui parait patent dans le travail des chercheuses queer est l’escamotage du réel dans le nouage Symbolique  et Imaginaire.

Mots clés : différences des sexes, structure, Réel, perversion

La mort pas toute. Pierre Bruno 

Le roman de Murakami Kafka sur le rivage revisite le complexe d’Oedipe. Sa lecture aide à renouveler l’intelligence des croisements entre la réalité et le rêve, celui-ci étant ce qui, du réel, fait signe plus sûrement que celle-là. D’où la possibilité d’envisager une autre relation, non religieuse, de l’humain à la mort.

Mots clés: Rêve, réel, Oedipe, mort.

La subversion éthique du féminin.  (La lettre écarlate).Fabienne Guillen 

Dans le cadre d’une réflexion sur l’existence problématique d’une structure perverse au féminin, nous avons tenté d’interroger ce qu’introduit Lacan de dissymétrie entre les sexes dans leur rapport à la jouissance. Le roman « La lettre écarlate » nous instruit sur la capacité de son héroïne à subvertir, par un usage singulier de la lettre, la logique universalisante de la jouissance phallique qui entraine avec elle la ségrégation et la mort.

Mots clés : Subversion – Ethique – Le féminin – Jouissance

 LA PASSE

 Ce qui est en jeu : contribution à la question de la passe. Michael Meyer zum Wischen

La question de ce qui a amené ceux qui occupent la place d’analyste à avoir fait ce pas est le point décisif de l’expérience de la passe, avec laquelle Jacques Lacan, peu avant  les événements  de 1968, a défié le monde de la psychanalyse…

THÉORIE

Cygne blanc, Cygne noir. Le sublime et la destruction dans la danse. Sabine Callegari

Le Lac des Cygnes offre à une danseuse étoile un rôle mythique, en lequel la dialectique du sublime et de la destruction se noue à la question de la double nature du féminin. Posant la danse comme la forme fondamentale de l’orgie, Freud l’a prise d’emblée à partir du sexuel, donc de la dualité d’éros et de thanatos. Au regard de cette dualité, la singularité de la danse est du côté de la grâce ;  dès lors, une formulation lacanienne pourrait écrire qu’une femme transcen-danse. La destruction, dans la danse, serait la douleur de la danseuse, interrogeant ce que Freud a défini comme « masochisme féminin », et que l’article réarticule en terme de mascarade masochiste. Face au rapport sexuel qu’il n’y a pas, il y a, dans la danse, la sublime figure du pas de deux, dont émerge la thèse principale du texte : la danse comme homothétique de l’amour.

Mots clefs : transcen-dance ; double nature du féminin ; mascarade masochiste ; amour

Amour en anamorphose — l’amour courtois et l’amour fou, II. Tsuiki Kosuke 

La suite de notre enquête sur l’amour au-delà du narcissisme se démarre, toujours, de l’amour courtois, mais non pas tel qu’il est étudié par Lacan dans le Séminaire sur l’Éthique, mais tel que celui-ci le retrouve dans l’amour porté à Lol V. Stein, la célèbre héroïne de Marguerite Duras, par son amant Jacques Hold. Or il est possible de faire une lecture superposée de ce roman de Duras avec Nadja d’André Breton. Dans l’un et l’autre, nous voyons mise à nu la dissymétrie irréparable entre l’amour pour une folle du côté de l’homme et un amour dans la folie du côté de la femme.

Mots clefs : amour courtois ; ravissement ; acting out ; amour fou

EXTÉRIEURS

L’Autre Gandhi. Gilbert Sinoué

« Qui était vraiment Gandhi? La légende, dorée ou noire, s’est emparée de lui de son vivant. Mais il n’est pas impossible que ce soit la fiction qui permette de cerner au plus près les motivations profondes de cet homme complexe et secret. »

Mots Clefs : Amour, sexe et mort, Inde, amitié.

POEME 

Howard Barker.

Howard Barker est né en 1946 à Dulwich (Angleterre). Il est dramaturge, poète, peintre, théoricien du drame et metteur en scène. Il fut un temps associé au théâtre politique du Royal Court de Londres.Pour Barker, l’art est un irritant qui ne se laisse pas digérer, tel « le grain de sable qui tourmente l’huître » ; il accueille « la pensée qui n’est pas autorisée » et « l’inconscient qui a été aboli ».Howard…

UNE PSYCHANALYSE ?

Passé Composé. Ramon Menendez 

Les détracteurs de la psychanalyse critiquent souvent le retour au passé qui a lieu dans la cure. Le présent article cherche à faire le point sur cette question pour mieux comprendre l’usage des souvenirs pendant une analyse et son intérêt pour le présent et le futur de l’analysant. A travers des textes techniques de Freud et quelques éléments de l’enseignement de Lacan on cherche à rétablir la complexité de cette démarche et sa pertinence. Une place importante est accordée au rôle de l’analyste dans l’articulation du dispositif.

Mots clés : Souvenir, refoulement, répétition, résistance, sujet. 

Y ETU ?

Le réel quelquefois désaltère l’espérance,

c’est pourquoi, contre toute attente,

l’espérance survit.

René Char. La parole en archipel. 1952-1960.Paris Gallimard

 

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PSYCHANALYSE N°20

Psychanalyse, féminin , expérience mystique

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    janvier 2011

THÉORIE

À propos du savoir du psychanalyste. Marie-Claude Lambotte

Le texte sur le savoir du psychanalyste proposé par l’APJL comme document de travail pour les assises des 6 et 7 février 2010 m’avait suggéré quelques questions qui s’apparentaient plus à des pistes de travail qu’à des remarques précises sur le texte même. Autrement dit, il s’agissait davantage de réflexions que de critiques proprement dites. Et comme le temps de parole était fort court pour un tel sujet, je me suis laissé tenter, en reprenant mes notes, à pousser les associations auxquelles m’avait menée le texte. Opération sans doute productive mais sans fin. On ne peut donc, il m’a semblé, qu’interpeller le savoir du psychanalyste par un bord puis par un autre, etc., de telle manière qu’il se confonde bientôt avec la position du psychanalyste, laquelle n’est pas, dès lors, sans rapport avec l’éthique…….

Schreber : Une femme de La femme. Marie-Claire Terrier

En ce 29 juin 1905 toute la famille Schreber est rassemblée autour de Pauline pour fêter ses 90 ans. Elle est entourée de ses enfants, petits-enfants et arrières petits-enfants. Il manque à la fête son époux Daniel Moritz mort depuis 44 ans et son premier fils Daniel Gustav qui s’est suicidé d’un coup de révolver 28 ans plus tôt. A cette occasion, son deuxième fils Daniel Paul (toujours prénommé Paul au sein de sa famille) sorti depuis 11 ans de son deuxième internement, a écrit un poème. Peut-on ici dire en parlant de ces maisons qu’il s’agit du lieu de l’Autre……

Du dénouement au dénuement. De l’amour…Yamina Guelouët-Thabet

L’expérience mystique (ici à travers Rabi’a El Adawiyya, mystique Soufie de l’Islam) dans la quête de l’Amour Divin, celle de l’analytique qui se fonde sur l’amour de transfert et la recherche de l’Agalma dans le champ de l’Autre, convoquent le féminin dans l’épreuve du dénouement et à son au-delà, la Chose au cœur de l’Etre. A la limite de l’expérience, une subversion se produit : dans l’une, la quête de Dieu cesse avec la réalisation en soi du Trésor de l’Amour Divin, dans l’autre, la traversée de la détresse originelle, se solde, dans une épreuve qui touche au dénuement, par la cession de l’objet précieux agalmatique. Où se révèle la retrouvaille de ce qui était déjà là, au commencement, le Don d’Amour, qui a opéré pour amener le sujet à la limite infranchissable de l’accès à la Chose avec pour corrélat le gain inestimable du Désir…

L’autre côté. Pierre Bruno

Il existe à Paris une très grande place, la place de la Concorde. Sur cette place, se dresse un obélisque, que Bonaparte a rapporté de Louxor en Égypte. Cet obélisque est entouré d’une grille de protection. Lacan raconte à ce propos une historiette : un homme se tient face à cette grille, ses mains agrippent les barreaux et il crie : « Je veux sortir », alors qu’il lui suffirait de se retourner pour s’en aller tranquillement se promener sur la plus grande place de Paris. Se retourner, c’est découvrir ce que j’appelle « l’autre côté » et que je considère comme une métaphore tout à fait appropriée pour dire ce qui se passe au terme d’une psychanalyse…

La douleur, dernière frontière ? Jacques Marblé

La douleur, dès l’Entwurf, a une place importante dans l’œuvre de Freud qui ne distingue pas douleur morale et douleur physique (Schmerz en allemand). Lacan dans le Séminaire l’Ethique de la psychanalyse présente la douleur comme une limite entre le sujet et das Ding, la chose freudienne, cet objet dont la jouissance est interdite au sujet parlant. Le secret véritable, que l’esthétique freudienne montre, est cet objet inaccessible qui fait de la douleur une pseudo-pulsion…

Création artistique, mystique et psychanalyse. Laure Thibaudeau

À plus d’un titre, il semble qu’il y ait des points communs entre l’épreuve mystique, l’expérience analytique et la création artistique. Dès le premier abord, on ne peut manquer d’être frappé, du moins en Occident, par les témoignages de souffrance qui accompagnent ces grandes expériences humaines, qui toutes trois font partie de celles dont on dit justement qu’elles éclairent ce qui est proprement humain, « en tant qu’elles se posent comme assimilatrices d’une barbarie 1 », dit Lacan. En effet, elles permettent de faire trace de la culture dans la civilisation. Et elles restent vives dès qu’on s’y intéresse, alors même que la civilisation qui les a vues naître a disparu……

L’ex-sistence de la déité chez Maître Eckhart. Pascale Macary-Garipuy

Maître Eckhart (1260-1328), chef de file de la mystique rhénane posa un principe relevant d’une pure essence, la « Déïté ». Cette Déïté se situe au-delà de tout le créé, y compris de Dieu et partant de la Trinité qui ne sont qu’intermédiaires – de l’ordre du créé – entre l’homme et le principe incréé. Cette place de la Déïté, qui ne se situe pas dans notre monde, mais y ex-siste, est en place de la Chose freudienne. Eckhart pose que celle-ci peut s’atteindre par la voie d’un travail ascétique et par un certain défilage d’un langage trompeur : le « fond » de l’âme, relevant de cette Déïté de Dieu, non touchée par le mouvant de l’existence, serait à même de s’unir – dans le sens d’un retour au néant- à l’incréé déïtaire…

Nora, « sais-tu ce qu’est une perle et ce qu’est une opale ? »Patricia León

Nora n’est pas un prénom indifférent pour Joyce. On peut bien imaginer son ravissement une fois le coup de foudre installé : « L’image de la jeune fille rentrée dans son âme à jamais », ce sont les mots de Joyce, son ravissement quand il apprit qu’elle portait un prénom tiré d’Ibsen, son idole, « son père spirituel  ». Joyce a à peine 18 ans quand il écrit son premier article, « Le nouveau drame d’Ibsen  ». Le texte est consacré à l’analyse de la pièce d’Ibsen qui vient de sortir et qui est déjà en cours de traduction dans douze langues : Quand nous nous réveillerons d’entre les morts. C’est par cet écrit que Joyce commence à se faire connaître. Les premières lignes de cet écrit disent : « Il y a vingt ans qu’Ibsen écrivit Maison de poupée, marquant ainsi, ou peu s’en faut, une date dans l’histoire du théâtre. »…

LE CAS

Obéir librement. L’énigme de Marie de la Trinité. Isabelle Morin

Paule de Mulatier, Marie de la Trinité en religion, a vécu de 1903 à 1980. Cette mystique, contemporaine fut une analysante du Dr Lacan dans les années 1950. De 1936 à 1946, elle a rédigé trente-cinq carnets d’environ 3250 pages, dans lesquels elle témoigne de sa rencontre d’amour avec Dieu et développe une riche doctrine théologique. Certains écrits se révèlent être des documents d’une grande valeur…

LA PASSE

« Défunte »… pas tant que ça ! Chantal de Bodinat

« Il était une fois » une histoire particulière, comme toutes les histoires. La décision de passe, après celle de finir l’analyse, a permis de déplier la logique inconsciente de cette histoire, dans un temps pour conclure, vécu dans l’étrangeté d’un « hors transfert ». Question qui fait énigme et touche à l’après nomination et à la transmission…

REBOND

La fille de la légende. Isabelle Morin

Le 23 octobre 2010 à 7 heures du matin, un ami très cher m’envoie un SMS : « Lis Libération de ce matin, deux pages sont consacrées à la fille de Calamity Jane. » Dix minutes plus tard, un second SMS : « Passé le traumatisme, cela corrobore ta thèse. » L’article porte sur Jean McCormick, fille de Calamity Jane, dénommée Janey Hickok dans les lettres de sa mère. Elle serait maintenant considérée comme une mythomane qui aurait inventé de toutes pièces cette histoire d’un père héros et d’une mère l’aimant d’un amour immense au point de consentir à la perdre. Selon la journaliste, elle aurait elle-même écrit ces lettres. Il y a un léger mépris dans le ton de la journaliste qui raconte le destin de cette femme, dont la fin a été aussi triste et démunie que celle de Calamity Jane……

PAS DE PORTE

« Il fait nuit dans la tête et froid dans le cœur ».Brigitte Gauthier

Depuis longtemps j’éprouvais un malaise face à ce qu’on appelle couramment « la prise en charge de la douleur des patients » à l’hôpital ; elle me paraissait nécessaire et en même temps j’avais la sensation que, dans la manière dont elle était organisée, quelque chose n’était pas juste. Cependant, je travaillais avec les médecins et les manipulateurs radio à la mettre en œuvre dans le service, car comment dire mes hésitations sans passer pour insensible dans un lieu peu propice au débat philosophique ou psychanalytique ? La difficulté était de trouver une formulation qui reflète aussi fidèlement que possible mon questionnement et en même temps le rende audible par d’autres. Faire le panégyrique de la prise en charge de la douleur telle qu’elle avait lieu ne m’intéressait pas davantage que de la démolir……

EXTÉRIEURS

Rhumatismes. Emmanuel Venet

Ma mère aimait beaucoup bavarder avec celle de mon ami Bonnardier, malgré leurs quinze ans d’écart. Toutes deux partageaient une même passion pour les maladies, surtout les maladies mortelles. Ma mère souffrait d’arthrite, celle de Bonnardier d’arthrose. Quand elles se rencontraient au marché de Monplaisir, elles n’en finissaient pas de se raconter leurs martyres respectifs et se livraient à un âpre concours de symptômes. Du côté de ma mère, les fulgurances dans les doigts, du côté de Bonnardier les hanches broyées le soir. L’échange se terminait toujours sur un hypocrite constat d’égalité, chacune emportant au fond d’elle la certitude d’avoir gagné la manche…

Y ETU?

Si je pense dans une langue et j’écris « le chien court derrière le lièvre dans le bois » et veux le traduire dans une autre, je dois dire « la table en bois blanc enfonce ses pattes dans le sable et meurt presque de se savoir si sotte ».

Pablo Picasso. Écrits, 1935.

 

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