PSYCHANALYSE N°10

L’amour, l’occulte et le phallique

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septembre 2010

THÉORIE

Lacan, l’amour. Jean-Paul Ricœur 

« L’amour… on peut se demander s’il s’agit d’un concept proprement psychanalytique et non pas plutôt d’un thème relevant de la psychologie, voire de la philosophie – “les philosophes, ils ne parlent que de ça”, affirmait en tout cas Lacan. Si on ouvre le bien connu Vocabulaire de la psychanalyse de Laplanche et Pontalis, on constate qu’il n’y a pas d’entrée “amour”. Si on veut entendre parler d’amour, il faut se reporter à l’entrée “objet” pour voir apparaître l’amour, l’amour pour l’objet dans la “relation d’objet”.»

Partant de la Verliebheit de Freud (à distinguer de l’amour : Liebe) Lacan a-t-il fait de l’amour un concept psychanalytique ? J.P. Ricœur parcourt vingt-cinq ans d’élaboration, partant de l’amour de transfert et de l’amour narcissique (séminaire I), jusqu’à la conception, si singulièrement lacanienne, du séminaire Encore – de l’amour comme suppléance au rapport sexuel qu’il n’y a pas – avant le dernier pas de 1977, qui pose l’amour, pur événement de rencontre, comme touchant au réel.

L’occulte et le réel. Pierre Bruno 

« Freud, en 1925, écrit “Die Grenzen der Deutbarkeit ”, “Les limites de l’interprétabilité”, un des trois suppléments à l’ensemble de la Traumdeutung. Ce supplément est suivi par “La charge de responsabilité morale à l’égard du contenu des rêves” et “La signification occulte des rêves”. Dans le premier supplément, il s’agit de savoir si “l’on peut donner de chaque produit de la vie de rêve une traduction complète et assurée dans le mode d’expression de la vie de veille [interprétation]”. En réalité, deux questions vont être traitées par Freud. La première concerne le fait de savoir si tout rêve a un sens. La seconde si, cette question ayant reçu une réponse positive, l’interprétation est “complète”. »

« L’occulte et le réel » s’intéresse aux trois suppléments à la Traumdeutung, écrits par Freud à partir de 1925. Dans le troisième, « La signification occulte du rêve », chose étonnante, Freud mentionne sa croyance à l’existence de phénomènes télépathiques. Dans le séminaire  Les non-dupes errent, Lacan souligne que Freud, dans son déchiffrage du rêve, s’arrête à son sens sexuel et touche en cela à une limite de l’interprétation, puisque le sens sexuel ne permet pas d’accéder au sens du rapport sexuel. Pierre Bruno poursuit en définissant que l’occulte, c’est précisément le réel en tant qu’il n’est pas reconnu comme inaccessible au sens. Penser pouvoir résoudre la question de l’occulte par l’initiation, c’est le contraire de la psychanalyse, conclut Pierre Bruno, qui ouvre la perspective de la passe comme pouvant éviter à la psychanalyse, quand elle aborde le réel de la jouissance, de glisser vers l’initiation, sur une pente que Lacan lui-même a fermement récusée en 1974.

L’ASSOCIATION

La psychanalyse au Canada, vue du Québec. Annick Passelande, Robert pelletier

« Pourriez-vous vous présenter de façon à permettre au lecteur de saisir à partir de quelle position vous appréciez la situation québécoise et plus largement canadienne ? »« La psychanalyse au Canada, vue du Québec », en faisant le point sur l’histoire de la psychanalyse et les politiques de santé mentale au Québec, amène cette problématique qui en dépasse le cadre : comment peut-on pratiquer la psychanalyse dans un contexte qui n’est pas favorable ? 

LE CAS

Ida Bauer, la Dora de Freud. Karin Adler

« En 1957, dans la revue américaine Psychoanalytic Quarterly, Felix Deutsch publie un article joliment intitulé “A footnote to Freud’s fragment of an analysis of a case of hysteria”, traduit en français sous le titre d’ “Apostille au « Fragment d’une analyse d’hystérie »”, où l’auteur nous donne quelques renseignements nouveaux sur la vie et la mort de Dora, dont Arnold Rogow dévoilera le nom en 1978 dans son article “A further footnote to Freud’s fragment of an analysis of a hysteria”  : Ida Bauer. »

« Ida Bauer, la Dora de Freud » présente la particularité d’apporter des éléments biographiques sur Dora, du temps de sa cure de jeunesse avec Freud, puis dans le cadre de ses entretiens ultérieurs avec Félix Deutsch, jusqu’à l’arrangement inattendu qu’elle trouve avec la persistance de sa névrose.

LA PASSE

L’accord d’accord. Guy Le Gaufey

« (Ce qui suit se veut un plaidoyer pour un certain style de passe pratiqué dans l’ELP, afin que se prolonge cette aventure, pour autant qu’elle s’inscrit en porte-à-faux au regard des exigences de légitimité des discours ambiants.) Il se peut que l’idée la plus ruineuse pour la passe tienne dans ce distinguo tout simple, énoncé peu de temps après sa mise en place, et selon laquelle surviendrait d’abord dans le cours d’une cure un type d’événement tel que, dans un temps second, il appellerait une procédure spéciale – celle-là même que Jacques Lacan inventa de toutes pièces dans sa “Proposition d’octobre 1967” – pour qu’on puisse en savoir quelque chose. »

« Passe et nomination » déplie des points fondamentaux de la « Proposition d’octobre 1967 », par laquelle Lacan, propose (le mot est essentiel) son invention de la passe comme une « possibilité réglée d’accord » entre trois acteurs qui jouent chacun une partie mettant en jeu des conséquences décisives, puisqu’elles concernent la fin du transfert, le « s’autoriser » d’un analyste, et le réel (ou  « ratage du réel ») dans la position de l’analyste. 

LA STRUCTURE

Phallus et fonction phallique chez Lacan.

« Le constat que nous faisons d’emblée en abordant le concept de phallus chez Lacan est qu’il constitue une pièce maîtresse de la structure. Il est solidaire à la fois du complexe de castration, donc de l’Œdipe, du langage, donc du rapport entre signifiant et signifié, et du réseau symbolique des échanges, notamment les structures élémentaires de la parenté. Solidaire également de la métaphore paternelle, du nouage entre le réel, le symbolique et l’imaginaire, de ses modes d’assujettissement (psychose, névrose, perversion) et enfin de la cure analytique elle-même, de son déroulement, de sa terminaison et de sa fin, du transfert. »

« Phallus et fonction phallique chez Lacan » constitue la deuxième partie (suite et fin au n°11) d’une synthèse qui traite de ce concept en tant qu’il constitue une pièce maîtresse de la structure. Elle interroge le statut du phallus, introduit d’emblée comme symbolique dans l’enseignement de Lacan, et l’aborde, notamment, sous l’angle des trois modalités lacaniennes du manque, puis à travers la discussion de cette question essentielle : le phallus est-il le signifiant du désir ou/et le signifiant de la jouissance ?

EXTÉRIEURS

« L’homme de bien ne sort pas de sa place. » Langue, discours et constitution des savoirs dans la Chine classique (Xe-XIXe siècle).

« Les lettrés confucéens ont dominé en Chine la sphère intellectuelle pendant le millénaire allant des alentours de l’an mille à l’aube du XXe siècle. Rarement idéologie fut plus durable, ni plus homogène, ni ne concerna un pays plus peuplé. Personne ne croit que, malgré la page historique et culturelle tournée depuis le début du XXe siècle, elle n’a pas continué d’exercer ses effet tout au long de ce dernier, ni ne les exerce encore aujourd’hui. »

« L’homme de bien ne sort pas de sa place », qui porte un sous-titre « Langue, discours et constitution des savoirs dans la Chine classique », condense les traits fondateurs de la pensée néo-confucéenne ayant dominé la culture chinoise jusqu’au début du XXe siècle : idéalisation d’un savoir total et clos portant sur « l’Étude de la Voie », qui vise à produire un modèle figé de conseillers accomplis (les Mandarins) en organisant le déni du réel de la modernité.


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