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PSYCHANALYSE N°24

Le rêve, exclusion interne, l’autisme, le père et ses noms

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 mai 2012

LE SAVOIR DU PSYCHANALYSTE  

L’amont du rêve. Pierre Bruno

Je ne suis pas mécontent de n’avoir qu’un temps limité, dans la mesure où cette contrainte m’obligera à vous exposer une épure de ce que j’entends vous faire part. Cette épure, je l’initie avec l’énoncé d’une question : qu’est-ce que nous pouvons apprendre de Finnegans Wake qui ait des conséquences sur le savoir psychanalytique ayant trait au rêve ? Ce roman, Finnegans Wake, nous conduit-il à amender la Traumdeutung de Freud ? Pour d’emblée renoncer au suspens, je répondrai oui, ce « oui » qui est aussi le dernier mot d’Ulysse.

L’exclusion interne. Isabelle Morin

Dans ma précédente intervention concernant la cure de l’Homme aux rats, j’avais interrogé la façon dont le réel pouvait résonner dans le symbolique pour qu’une extraction conduise le sujet à se reconnaître dans son symptôme. Aujourd’hui, je poursuis à partir d’un renversement préalablement nécessaire pour ouvrir vers une fin d’analyse.

Un labyrinthe imparfait. Florence Briolais

Il faut tout d’abord en repérer l’entrée comme le fit Freud dès la première rencontre avec ce patient lui apprenant à quel degré d’intensité il avait joui, enfant, de sa trop grande proximité avec les femmes, jusqu’à pouvoir palper les organes génitaux de Mlle Rudolf, sa gouvernante. Un labyrinthe où l’on entre par la jouissance en excès. Comment aurait-il pu en sortir ? Tel sera l’enjeu de mon intervention. Et j’avancerai deux hypothèses : le labyrinthe imparfait est le modèle de l’espace subjectif de Ernst Länzer arrivant chez Freud ; et un traitement plus poussé de sa névrose lui aurait permis de trouver la sortie de ce dédale et de changer d’espace subjectif.

Une grotte qui sent l’ours(e) ? Catherine Bruno

Chez les lapons, le mythe fondateur du culte de l’ours, qui était encore pratiqué en Laponie avant que le renne ne le supplante, est un mythe qui met en scène la féminisation de l’ours. L’auteure s’appuie sur son analyse pour reprendre pas à pas le mythe freudien du Père de la horde et tenter ainsi de repérer ce qui vient à les différencier et quelles questions psychanalytiques ces différences peuvent poser. Contrairement au mythe freudien, l’humanisation naît de l’union d’un ours et d’une femme, une union qui pour avoir cet effet doit aboutir à la mort de l’Ours. C’est l’intervention d’une femme par son mariage avec un animal qui permet de générer l’humanité avec la naissance d’un premier fils, qui justement parce qu’il ne tue pas son père, devient humain. L’auteure avance que le partenaire bestial n’est pas un être de jouissance, mais bien plutôt celui qui introduit à la castration.

Mots clés / féminisation, jouissance, castration, mythe, père de la horde

BÉVUE

L’autisme : vers une science au service de l’idéologie ?Ramon Menendez

Des décisions politiques récentes en France semblent aller dans le sens de promouvoir les techniques éducatives et comportementales dans la prise en charge des autistes. Cela se fait en opposition à la psychanalyse et au nom des progrès de la science. L’article décrit les aspects idéologiques et politiques du travail de Eric Schopler, connu pour avoir créé le programme TEACCH dans la prise en charge des enfants autistes et souvent cité comme modèle à suivre. Schopler a mis l’accent sur un travail avec leurs parents. Sans trop se soucier de la dimension subjective des enfants, il organise un réseau de parents d’autistes et fait pression sur les législateurs pour obtenir la reconnaissance de l’autisme en tant que handicap et pour le développement de sa technique pour en faire un programme d’Etat en Caroline du Nord (USA). Les aspects cliniques et scientifiques de son travail ne sont pas d’une grande rigueur.

Mots clés : Autisme, psychanalyse, TEACCH, science, idéologie

LE CAS 

Une conclusion inédite. Christian Cros

En prenant appui sur l’atelier de Toulouse, centré sur les conclusions des cures, je vais dégager, à partir d’un cas clinique, la question de savoir si une articulation peut s’élaborer entre ce que j’appellerai les points de convergences cliniques, qui ramassent ce cas, et la sortie telle qu’elle s’est effectuée. C’est donc une construction que je vous propose, basée sur l’axe qui constitue le cœur de l’expérience subjective de cette femme que j’ai rencontrée, durant treize ans, à un rythme régulier avec une assiduité sans faille.

Un sinthome à la lettre. Sylvianne Cordonnier

« Tu es bon pour l’HP. » Comment V., jeune sujet psychotique, se prend à l’offre de la psychanalyse pour faire du diktat maternel sinthome en en inversant les lettres : « Je serai PH, Professeur d’Histoire. » « J’ai fait un délire paranoïaque mais c’est fini et j’ai 18 ans. » Sur ces mots, le jour de son anniversaire, V. mettra fin à nos rencontres au centre de consultation où il venait régulièrement me rencontrer depuis l’âge de 15 ans. 

LA PASSE 

(Je)u de dupes. Slavka Balat

La rédaction de cet écrit fait suite à ma passe, à ma nomination en tant que AE de l’APJL, mais aussi à une première tentative publique d’élaboration 1. Il a été remanié à maintes reprises au fil du temps de l’écriture, jusqu’à (et à partir de) son point d’arrêt – le point révélant la prise dans ma propre duperie. Il est donc un témoignage partiel des métamorphoses de l’écrit par ce que le cours de l’écriture elle-même – et la confrontation au public – met au jour.

L’expérience de la passe. Secrétariat de la passe

Un secrétariat de la passe peut-il transmettre quelque chose de son expérience ? Nous avons soumis cette question aux membres de l’Association de psychanalyse Jacques Lacan parce qu’elle n’est pas d’usage. Généralement, on situe la transmission du côté des cartels et des passants, plutôt analystes de l’École (AE) d’ailleurs. Le secrétariat, en général, est silencieux.

THÉORIE 

Pile ou face. José Guinart 

Dans son séminaire sur « La lettre volée », dans l’année du séminaire Le moi dans la théorie de Freud et dans la technique de la psychanalyse, Lacan introduit le jeu de pair et impair, utilisant comme représentation du réel l’aléa qui se manifeste dans une série de « + » et de « – » correspondant au tirage du jeu de « pile ou face », l’un ou l’autre. Ce jeu, Lacan l’évoquera aussi dans D’un autre à l’Autre pour le désigner comme en parlait Pascal : « croix ou pile ». Ce « croix ou pile », c’est le réel absolu qui « est précisément quelque chose qui est défini, que nous ne pouvons savoir ni s’il est ni ce qu’il est ». Nous allons nous intéresser à ce jeu avant d’évoquer les parties intersubjectives de pair et impair.

LA STRUCTURE

Le père et ses noms (8e et dernière partie)

Le tore du père ? En novembre 1974, au septième congrès de l’École freudienne de Paris, Lacan prononce à Rome une conférence qui marque, juste avant le début du séminaire R.S.I., un tournant. On peut, sous réserve du développement qui va suivre, caractériser ainsi ce tournant : le questionnement du Nom-du-Père, dans sa parenté avec la réalité religieuse, est un questionnement corollaire sur les Noms-du-Père qui aboutira à mettre (ou remettre) au premier plan ce qu’il en est de la nomination, ou plutôt des nominations. Sans l’élucidation de ce tournant, il serait vain ou du moins très aléatoire de vouloir accéder à l’intelligence du séminaire sur Joyce.


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PSYCHANALYSE N°23

Kafka – L’angoisse – Le père et ses noms –Artaud /Queneau

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janvier 2012

LE SAVOIR DU PSYCHANALYSTE

Cru ôté. Thérèse Charrier.

Un mot fut dit par l’analyste puis oublié. Quelques années plus tard, il ressurgit chez l’analysante et plus rien ne fut pareil. Il y eut un avant et un après. L’interprétation – entendue à minima comme un dire de l’analyste – et le temps sont indissociables. Pour appréhender cette question du temps et de l’interprétation je vais me situer côté analysante et reprendre un morceau de mon écrit de passe….

Une petite femme pour l’homme Kafka. Véronique Sidoit

« L’homme entre loup et rat »… Kafka, avec son formidable bestiaire, cette prolifération d’animaux qui pensent, parlent, souffrent, s’est imposé à moi. En effet, il y a, dans l’œuvre de Kafka, évidemment le cloporte ou la vermine de La Métamorphose, mais aussi des souris, des rats, des taupes, des chiens, des singes et j’en oublie certainement, un ensemble d’animaux plus vivants et plus sujets que les êtres humains de la plupart de ses écrits. Cette identification de l’homme à l’animal mériterait un travail approfondi, Sophie Mendelsohn en a parlé le mois dernier, l’animal n’étant pas à prendre comme une métaphore mais comme « le lieu de réalisation d’une altérité radicale, d’une extériorité interne, » ou, pour le dire autrement « l’animal est là où une expérience du réel peut se faire en l’homme »…

Kafka non-dupe. Sophie Mendelsohn

« Assez de psychologie ! » Pourquoi, en effet, ne pas se soumettre à ce célèbre précepte du Journal de Kafka, dans l’espoir, bien freudien, que l’artiste ouvre la voie d’une connaissance autrement inaccessible, celle qui précisément excéderait les limites de la psychologie ? S’y soumettre implique pourtant d’emblée de consentir à entrer avec lui dans le labyrinthe de l’indéterminable, où être quelque part revient à être toujours simultanément ailleurs. Ainsi a-t-il pu aussi arriver à Kafka d’encourager une lecture psychologisante de son œuvre, qui serait le reflet de son monde intérieur, voire même sa traduction ; il sait pourtant qu’il est un homme de l’exclusion et de l’infini labeur …..

Traversée de l’angoisse. Nicolas Guérin

Qu’entendre par « traversée de l’angoisse » ? Il s’agira moins ici de génitif subjectif que de génitif objectif. Donc moins de la fonction et des effets de l’angoisse traversante que de l’angoisse traversée. Pour déplier cette question, je m’appuierai sur un passage de la fin du séminaire L’éthique de la psychanalyse ; passage dont je n’avais pas pris auparavant la mesure. En effet, on verra qu’il implique de nuancer, sans l’invalider, la thèse à venir de l’angoisse comme affect qui ne trompe pas

FRAGMENTS

Fragments. Takako OKADA

L’amour est réponse d’un indécis, le désir naît d’une fissure. …. je me suis trompée sur le sens du terme français « l’indicible », je ne connaissais que le mot inexprimable ». Indécis- Indicible … Dire est une décision ? Dire Dieu, c’est une prétention. Si je dis « Dieu », Dieu devient faux….

THÉORIE

Noms étrangers. Les rêves et les hiéroglyphes. Masaaki Sato

Tous les noms de personnes et de choses furent une fois étrangers au sujet, de même que sa langue maternelle lui a été une fois une langue étrangère et qu’elle sera à nouveau secouée par la psychanalyse jusqu’à ce qu’elle recouvre son étrangeté propre. Le son des noms significatifs, ou plutôt chargés de sens, doit retrouver sa place d’ambiguïté propre et être perçu en tant que son. Cela se produisit avant Freud lors du déchiffrage des hiéroglyphes par Thomas Young et Champollion…

Actualité de la querelle du phallus. Jacques Podlejski

Entre janvier 2007 et janvier 2008, la revue Psychanalyse a publié un ensemble de textes traitant du phallus et de la fonction phallique. Ces textes, l’avancée du processus de réglementation des psychothérapies en France et la publication du Manifeste pour la psychanalyse ont inspiré le présent travail. A partir d’un retour sur les thèmes traités dans ces colonnes en 2007 et 2008, celui-ci se propose d’en resituer les enjeux dans la modernité contemporaine et de les articuler avec quelques-unes des questions que les assises de l’Association de Psychanalyse Jacques Lacan mettent au cœur de leurs travaux…

LA STRUCTURE

Le Père et ses Noms. 7ème Partie.

En 1969-70, le séminaire L’envers de la psychanalyse se tient à la Faculté de droit. Disons d’emblée que ce séminaire marque un tournant dans la mesure où il introduit la catégorie de « père réel » d’une façon que nous pouvons considérer comme novatrice. Nous ne pouvons, à cette occasion, passer sous silence l’ironie du propos avec lequel Lacan parle des essais pour assembler les principales données d’une question, celle du père en l’occurrence. Cet « exercice pénible », selon lui, n’est cependant pas de nature à nous décourager et nous nous y engagerons plutôt, avec comme entame, la rectification que d’emblée pose Lacan : L’identification primaire, dit-il, se fait au père (et non à la mère), et ce parce que le père « mérite l’amour »…

EN QUESTION(S)

Le sourire du Chat de Chester. Ou doit-on parler des patients que l’on invente ? Arthur Mary

Que serait le récit fictionnel d’une rencontre clinique ? Nous partirons du double constat que nous imposons des transformations lorsque nous parlons d’un patient (pratiques d’anonymisation) ; et que nous ne saurions qu’être subjectifs dans la production du récit d’une rencontre. Est-il possible alors d’inventer de toute pièce un sujet autre que soi sans pour autant tomber dans une construction seulement imaginaire ? Ces réflexions pourraient renouveler notre façon de parler de patients que l’on n’invente pas.

Mots-clés : Fiction, éthique, anonymisation, récit clinique

PAS DE PORTE

Ce n’est pas ça. Lorena Escuredo

Orientée par la psychanalyse, j’interviens en tant que psychologue dans un service de médecine hospitalière. Dans l’institution, il y a un appel qui retentit constamment, mêlé de questions, de nouages, d’accrocs, de répétitions et de frustration ; cet appel c’est la demande ou les demandes et je vais m’intéresser à celles que je reçois. Elles sont au centre des discours institutionnels et sont presque comme des petits objets volants que je vois et que j’entends circuler entre les uns et les autres. Puisque le patient vient à l’hôpital pour soigner une maladie somatique, sa demande initiale est faite au médecin. C’est une demande de guérison …

INÉDIT 

Une lettre d’Antonin Artaud à Raymond Queneau. Serge Malausséna

Lorsque le 1er février 1945 Antonin Artaud écrit cette lettre à Raymond Queneau, lettre restée à ce jour inédite, il est interné à l’hôpital psychiatrique de Rodez depuis février 1943. Le Dr Ferdière le libérera en mai 1946. Son enfermement dans les asiles aura duré 9 ans…


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PSYCHANALYSE N° 22

L’interprétation. Le père et ses noms 

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 septembre 2011

THÉORIE

Les dessous de l’interprétation Pierre Bruno

J’aurais pu dire les dessus-dessous de l’interprétation, dans la mesure où ce que nous dénommons « interprétation » en psychanalyse ne peut pas ne pas être sans relation avec la topologie du nœud borroméen, développée par Lacan à partir du séminaire Encore, en 1973. J’ai cependant gardé le titre initial pour ne pas affaiblir l’équivoque « dessous », qui évoque en français la lingerie féminine. Pour…

Le souvenir déchiré Patricia León

Le cas de l’homme aux loups rend raison de façon exemplaire de ces va-et-vient de Freud entre souvenir, rêve et remémoration. Je vais tenter ici de mettre en relief l’importance de ces oppositions qui permettent à Freud non seulement d’établir la complexité, selon ses propres mots, entre un ordre historique (histoire de la maladie) et un ordre pragmatique (histoire du traitement), mais principalement…

L’autisme à la lumière de l’interprétation des rêves Marie-Jean Sauret

Vincent est le prénom choisi par Alain Lacombe pour parler d’un adolescent autiste. Cet adolescent parcourait les voies de l’institution, s’arrêtait pour des motifs insaisissables ici ou là, engloutissait les objets qu’il ramassait. Fernand Deligny a qualifié les parcours de ce type de « lignes d’erre » : « Cette ligne dont il s’agit de rechercher l’écriture, avance-t-il, elle est d’erre. Elle nous…

Entre morsure et regard Isabelle Morin

Les loups et les rats ont en commun de mordre, de dévorer, de ronger, de mordiller, voire de fouiner, ils cherchent la chair. Il s’agit non seulement de morsure mais du regard. Rats et loups fixent leurs proies et les laissent suspendues à l’angoisse, leurs cris annonçant le pire. Le regard est tout autant primordial, il y a, chez l’homme aux rats, une affinité entre ces objets de la demande et ceux…

Héritage et transmission du désir Massimo Recalcati

Deux grands films de Clint Eastwood récemment parus, Million Dollar Baby (2005) et Gran Torino (2009), nous permettent d’aborder de près la question de la transmission du désir à l’époque de « l’évaporation » du père. Nous avons beaucoup insisté là-dessus : ce qui reste du père dans le temps du déclin de sa fonction symbolique est la possibilité d’un témoignage incarné de ce qui signifie vivre éthiquement…

« Lâche définitivement » ? Élisabeth Rigal

Cette expression qui fait notre titre est de Louis-Ferdinand Céline. C’était une affirmation, une position, et s’il n’avait été si farouche, il aurait pu en faire une revendication. La lâcheté renvoie à sa position de fond, que certains qualifient de nihiliste mais qui est certainement plus complexe. Certains également l’ont situé comme préfigurant l’homme contemporain, celui qui, dépouillé de ses…

LE CAS

Au sujet de l’autisme : Odile ou le silence et l’absence comme offre Isabelle Rebreyend 

Odile est une petite fille que j’ai accepté d’accueillir alors qu’elle avait 5 ans. J’ai engagé ma responsabilité en tant qu’« assistante maternelle thérapeutique » dans le cadre de la « famille d’accueil thérapeutique » pour lequel j’avais un agrément pour trois enfants à domicile, de jour comme de nuit. À 10 ans, ayant dépassé l’âge pour l’hôpital de jour dont dépendait le placement, Odile a été…

Le corps, un élément tiers séparateur ? Gabrielle Devallet-Gimpel

La question de départ de ce travail est de savoir comment le vécu corporel accompagne ou signale un changement subjectif en cours ou en fin d’une cure psychanalytique. Nous questionnerons plus particulièrement deux phénomènes corporels à partir d’un récit clinique de fin de cure : une sensation étrange d’avoir un avant-bras « mort », interprétée comme une manifestation du réel, et une inflammation…

EN QUESTION(S)

« Je t’aime…moi non plus » Michel Plon

À un journaliste qui l’interrogeait sur ce qu’il en était de son rapport à Picasso, Salvador Dali répondit : « Picasso est espagnol, moi aussi ! Picasso est un génie, moi aussi ! Picasso est communiste, moi non plus ! » Le chanteur compositeur Serge Gainsbourg, dont on fête en ce moment le vingtième anniversaire de la mort, reprit cette réponse déconcertante pour en faire le titre d’une chanson, Je…

LA STRUCTURE

Le père et ses noms (6ème partie)

Le séminaire L’angoisse, que Lacan termine en juillet 1963, a mis en évidence l’irréductibilité de l’objet a et livré ce fil directeur d’un trou dans le symbolique. La fin de l’année 1963 est une période de crise ou plutôt d’une résolution de crise. La directive de Stockholm exclut Lacan de la liste des didacticiens et, après quelques péripéties, le 19 novembre 1963, la Société française de psychanalyse…

REBOND

Sur la fonction du beau Isabelle Morin

« Avons-nous passé la ligne ? Il ne s’agit pas de ce que nous faisons ici, mais de ce qui se passe dans le monde où nous vivons. Ce n’est pas une raison parce que ce qui s’y profère fait un bruit assez vulgaire pour que nous ne l’entendions pas. »J. Lacan. Déjà en 1960 Lacan avait trouvé crucial de consacrer un séminaire à ce que pourrait être une éthique qui tiendrait compte des paradoxes du désir….

EXTÉRIEURS

7 000 degrés sur la place de la Paix à Hiroshima Luisa Futoransky

J’ai habité brièvement dans les couloirs de l’infamie, je me suis arrêtée devant les entailles minutieuses du témoignage qui, face au chiffre absolu de l’horreur, a dû trouver de nouveaux mots pour nommer ce qui est arrivé : explosion atomique, radiation nucléaire, chéloïdes, pluies noires. J’ai parlé, regardé, et cru comprendre le récit prolixe de quelques survivants, et j’ai laissé libre cours à…


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PSYCHANALYSE N°21

Névrose obsessionnelle. Psychanalyse en Syrie.

Le manifeste pour la psychanalyse. La fin   

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mai 2011

THÉORIE 

Les « loupés » de l’homme aux loups. Marie-Jean Sauret 

Sous cet intitulé, je me propose de poursuivre le débat qui se développe sur le fait de savoir s’il y a ou non « quelque chose » de « raté » ou de « loupé » dans le fonctionnement subjectif de notre contemporain, « quelque chose » qui nous conduirait à incriminer le lien social de notre époque. La position subjective respectivement adoptée par l’Homme aux loups et l’Homme aux rats fait-elle d’eux nos…

L’homme, entre loup et rat. Pierre Bruno 

Cette névrose pose au premier chef l’exigence de transcender le sens, en permettant à l’amour (et non au désir) de s’adresser au savoir. Dans l’« Introduction à l’édition allemande des Écrits » (1973), Lacan indique bien que cet amour est une illusion, au sens où il n’y a pas, au final, noces de l’amour et du savoir, mais il insiste sur ceci que cet amour revêt, dans la cure, une forme inconnue par…

DAMAS

À l’automne 2010, s’est tenu à Damas, à l’initiative de Rafah Nached et de moi-même, un colloque intitulé « Le féminin dans l’expérience mystique et la psychanalyse ». Pendant trois jours, deux cents personnes ont assisté et participé à ce qu’il faut bien qualifier d’événement dans le monde arabe. Psychanalyse a décidé de publier ensemble les textes présentés par nos collègues syriens dans ce colloque,…

Introduction : « dire l’indicible ». Rafah Nached 

Cette rencontre aujourd’hui à Damas même, avec tout ce que représente cette ville au niveau historique et culturel, est une rencontre pour dire l’indicible. L’indi­cible pour nous, psychanalystes à Damas, c’est le spécifique, ce qui nous fait différents et pourtant aussi semblables à l’autre. Notre expérience s’exprime à travers la parole. C’est une parole qui change et qui transforme la vie de l’être,…

La femme sacrifiée et l’inhibition du désir. Rana Sayyah 

Malika a 37 ans. Elle m’a été adressée par une organisation humanitaire qui l’avait accueillie à la suite de la guerre dans son pays. Malika et sa famille ont été exposées à une série d’événements qui les ont traumatisées : à la suite d’un accident, le père de Malika devint invalide ; puis un membre de sa famille fut enlevé ; elle-même fut victime d’une agression sexuelle à la suite de laquelle elle…

La femme : le traumatisme et le désir. Mouna Bara 

On m’a demandé d’être psychothérapeute dans un établissement d’accueil appelé « refuge ». C’est un immense bâtiment à l’intérieur de grands murs, loin de Damas. Il accueille les femmes irakiennes victimes de violences jusqu’à ce qu’elles puissent émigrer à l’étranger, car elles ne peuvent revenir dans leur pays du fait de la guerre. Une équipe assure l’assistance sociale, le soutien psychologique,…

La jouissance dans le symptôme. Omar Abdeldine 

Au cours du premier entretien, il m’a dit : « Je lui ai baisé sa fille. » Cela s’était passé lors de son premier jour à l’université : il avait vu cette fille, avait su qui elle était et, immédiatement, l’avait baisée « télépathiquement, en la regardant ». Il avait fait cela pour se venger de son père bien connu, pour l’insulter et le provoquer. Dès cet instant, tout changea dans sa vie, car après…

Tâsîn de la préexistence et de l’ambiguité. « Moi et toi, trahison ou pur amour ? » Rafah Nached 

C’est grâce à Pierre Lory que j’ai découvert l’œuvre de Hallâj intitulée Le Tâwasîn. Il contient quatre chapitres. C’est un admirable traité philosophique et d’amour mystique. Le chapitre intitulé « Tâsîn de la préexistence et de l’ambiguïté » m’a posé des questions pertinentes qui viennent du texte même, de la position de désobéissance d’Ibliss par rapport à Dieu quand il refuse de se prosterner devant…

Facebook et le lit. Kholoud Haneidi 

La première fois que je vois Samer, il est étendu sur un brancard dans le hall de l’école où je travaille comme psychologue ; il crie et se frappe la tête avec les mains. Dans l’ambulance, il s’agite encore plus, présente des convulsions et saigne du nez. Le secouriste décide de l’emmener directement aux soins intensifs, craignant que le saignement de nez ne signale un problème de tension artérielle….

L’homme mort et la jouissance féminine dans les rêves d’une femme. Rajaa Jabr

À l’instar de beaucoup d’actrices célèbres, Leila est attirée par la psychanalyse. Cette femme d’une trentaine d’années, l’aînée de ses frères, déclarait d’ailleurs au début de son analyse : « Deux choses me font peur dans la psychanalyse : m’étendre sur le divan et parler de ma religion. » C’est une liaison ratée qui l’a menée à la psychanalyse, liaison qui avait ajouté encore plus de tristesse, de…Rajaa Jabr : L’homme mort et la jouissance féminine dans les rêves d’une femme…

LA FIN

Passe et fin d’analyse : cruauté et place vide. Thérèse Charrier 

Nous n’avons pas tout à fait conclu, il me semble. » Cette parole de l’analyste déclencha la décision de faire la passe. Elle fut prononcée hors contexte de la cure. Puis, l’analyste tournant le dos, ne laissant aucune possibilité de lui répondre, je restai outrée. Je l’avais laissé tomber sans rien dire depuis plusieurs mois, répétant le laisser tomber de l’analyste précédent…

L’ASSOCIATION

La clef de voûte. Ramon Menendez :

Le signifiant « manifeste » est chargé d’histoire. L’usage actuel le situe comme une forme de « déclaration publique ». Mais il y a une autre acception chère à la psychanalyse, celle qui, par exemple dans le rêve, se dessine par opposition à ce qui reste « latent ». La série de manifestes ne cesse pas de croître. Sans être exhaustif, citons celui des Égaux en 1796, issu du mouvement des Égaux qui apparaît…

PAS DE PORTE

 « Faire communauté ». Alain Lacombe 

Depuis ma fonction de psychologue hospitalier, dans l’institution hospitalière, je me propose de conjoindre deux termes : « communauté » et « autisme ». Communauté, donc, plutôt qu’institution. Je voudrais illustrer d’un fait ce que j’ai appelé « fairecommunauté », dans l’institution, à partir d’une contingence. La contingence est un moment qui vient surprendre : il se passe quelque chose. « Faire…

EXTÉRIEURS

Entretien avec Vincent Macaigne. Jean-Paul Rathier et Patricia Léon

Scène et salle confondues, le théâtre n’aura été et ne sera jamais qu’un champ de bataille, avec des tragédies du pouvoir qui se révèlent toutes, au bout du compte, comme une tragédie du désir. C’est ce que dit Lacan à propos d’Hamlet, et que Vincent Macaigne met en jeu à travers Requiem 3, créé en mars 2011 au théâtre des Bouffes du Nord. Une œuvre en forme d’écorché théâtral de l’épisode biblique…


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PSYCHANALYSE N°19

Joyce. Le père et ses noms. 

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septembre 2010

THÉORIE

Scares of all knotknow : John Holland

Une comparaison entre un paragraphe de Finnegans Wake de James Joyce et la traduction française de Philippe Lavergne fait ressortir certains éléments que le traducteur n’a pas rendus : la problématique d’un choix forcé auquel s’oppose le désabonnement à l’inconscient.

Mots-clés : James Joyce, Finnegans Wake, traduction, choix forcé, désabonnement à l’inconscient

Lucie(w)hole : Pierre Bruno

Finnegans wake, de Joyce, nous incite à repenser la façon dont peut être obtenu le « désabonnement à l’inconscient » et , en même temps, à prendre la mesure du fait que l’analysant n’est pas seulement un sujet en quête d’un sens, mais un sujet en mesure d’admettre qu’il est agent du travail de l’inconscient, tel que celui-ci est le seul à pouvoir donner forme à la jouissance qui, autrement resterait hors la prise du symbolique…

Ethernité :Elisabeth Rigal

L’auteur prend pour point de départ le temps chez Joyce et lie cette question à celle de Dieu (l’éternité) très présente dans les premiers textes. L’éternité trouve sa place dans les écrits suivants à travers l’occultation de la mort : les morts se réveillent comme les dormeurs. Le temps se trouve lié à la forme de spatialisation que l’écriture de Joyce introduit, sa tentative inachevable de délimiter les choses par une fine, fine ligne », sa façon à lui de répondre, dans une création infinie de néologismes, à l’inconsistance d’une langue (éthernité)…

Joyce ou l’espace-temps du sinthome : Ramon Menendez

L’astrophysique se trouve confrontée à un réel qui, sans être celui du sujet, la pousse au travail. Ainsi, l’observation des « trous noirs » et la théorisation qui en découlent, soulèvent des questions qui peuvent intéresser la psychanalyse. Dans ces écrits Joyce propose une conception du temps et de l’espace inédite dans la littérature. Elle est cependant au diapason de la physique de son époque et tout particulièrement de la théorie de la relativité d’Einstein. Cette conception du temps permet ce qu’il appelle les « arrangements rétrospectifs ». A travers cela nous chercherons un éclairage sur certains aspects de la cure.

Mots-clés : Joyce, astrophysique, trous noirs, relativité, temps subjectif, sinthome

Pour une discussion sur le savoir du psychanalyste. Erik Porge

Une interrogation sur le « savoir du psychanalyste » nécessite l’articulation (conjonction et disjonction) d’au moins trois termes : le savoir, la vérité, le sexuel. La rencontre avec l’absence de garantie dernière des vérités mathématiques peut constituer une approche de « l’horreur de savoir »…

QUESTION(S)

Le salut de la psychanalyse : Sandrine Aumercier

La jouissance est-elle atteinte dans le symptôme contemporain ? Doit-elle au contraire être atteinte dans la cure ? Lacan la situe du côté de l’impératif inassouvi ou de la jouissance féminine, ce qui permet, nous semble-t-il, d’éviter d’instrumentaliser ce concept, tant dans la cure que dans une politique de la psychanalyse…

LE CAS

Hybridation : Bibiana Morales

Dans l ‘œuvre de Virginia Woolf, nous trouvons une logique entre l’écriture d’un livre et le suivant. Ainsi l’écrivain suit une méthode, celle de la double écriture. Cette méthode singulière est articulée, selon nous, à la topologie de la coupure. La double écriture instaura une séparation stabilisatrice pour le sujet. Au contraire l’hybridation de l’œuvre –deuxième moment de la production de l’œuvre- efface cette limite par la fusion de deux écritures. L’écriture s’holophrase. Cette hybridation est attachée à la logique de l’Un et à l’impossibilité de l’extraire par la fusion de deux éléments. La double écriture a une fonction de séparation par la répétition Un à Un. La création hybride, au contraire, ne produit pas une séparation. Elle produit l’Un qui arrête la chaîne signifiante, l’Un de l’holophrase…

LA PASSE

La douleur dans la cure ou le silence de l’incréé. Jacqueline Ferret

La passe ne coïncide pas forcément avec la conclusion de la cure. Si elle permet toujours de dire s’il y a eu ou pas de l’analyse, elle ne réussit pas toujours à dégager le désir de l’analyste. C’est la conclusion de la cure qui, par ses effets, atteste le passage à l’analyste. L’extraction de l’objet a, regard ou voix, est nécessaire. Cette extraction permet à l’analyste de tenir une position éthique : l’éthique du silence.

Mots-clés : passe, silence, désir de l’analyste, objet a,  conclusion de la cure

Histoire d’une lettre arabe qui se fait trait sur le corps d’une femme. Yamina Guelouet

Il s’agit de l’histoire d’une dépossession sous occupation coloniale, celle du nom généalogique d’origine arabe avec lequel le sujet s’est construit, effaçant son inscription dans la filiation à travers les générations. Ce défaut du nom va faire trou, laissant le sujet directement aux prises avec le réel de la jouissance. Son énonciation mise sous scellés, il sera plongé dans un océan d’intranquillité qui l’amena à s’engager dans un travail analytique. C’est à travers une longue quête que le sujet va se réapproprier son nom, et accéder au désir en extrayant une lettre qui se fait marque sur le corps. La passe lui aura permis d’en témoigner en dégageant les articulations logiques qui l’ont amené à la réalisation de la structure.

Mots-clés : dépossession colonial, nom généalogique, défaut du nom, réel de la jouissance, lettre, marque sur le corps, féminin

LA STRUCTURE

Le père et ses noms. Catherine Bruno. Pierre Bruno

Le texte traite de la question du père et de ses noms dans l’enseignement de Lacan, de l’écrit « Subversion du sujet et dialectique du désir » à l’écrit « Kant avec Sade » d’une part, et du séminaire sur le transfert jusqu’au séminaire sur l’angoisse. On peut repérer dans cette période de 1960 à 1963 un questionnement concernant les conséquences de l’équation père symbolique = père mort et déjà les signes d’une mise en cause du père symbolique comme agent de la castration.

Mots-clés : père symbolique, père mort, agent de la castration

EXTÉRIEURS

« Il l’écoute et il parle ». La correspondance entre Descartes et Elisabeth : une rencontre originale. Delphine Coquard

La correspondance entre Descartes et Elisabeth porte initialement sur la question théorique de l’union de l’âme et du corps mais s’articule rapidement à la question de la guérison du corps par l’âme du fait de la « mélancolie » d’Elisabeth et des interrogations qu’elle adresse à Descartes. Cet article présente quelques dimensions de cet échange épistolaire, en s’interrogeant, certes, sur ce qu’il se dit dans ces lettres de l’union âme/corps et des difficultés qu’elle suscite tant théoriques que pratiques, mais surtout sur ce qui s’y passe : la temporalité de la correspondance, leur rencontre, leur rapport au savoir, la dimension écrite de cette parole.

Y ETU ?

« Il a peut-être dit :

Si j’avais été un autre que moi,

je serais devenu moi, encore une fois. »

Mahmoud Darwich, Le lanceur de dés et autres poèmes, Actes Sud, 2010.

 

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PSYCHANALYSE N° 18

 Le symptôme. Ségrégation. Extase 

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mai 2010

THÉORIE

Séparation et refus : considération sur le choix de l’anorexie. Massimo Recalcati 

Dans cet article l’auteur montre, sur la toile de fond d’une relecture critique de Lacan et de sa propre expérience clinique, l’existence de différentes déclinaisons possibles du refus anorexique ; le refus comme manœuvre de séparation, comme “refus du corps”, comme défense et comme “appétit de mort”…

L’Extase. Balbino Bautista 

L’ouverture à la jouissance féminine, que Lacan dit « supplémentaire » à l’autre, la phallique, sa reconnaissance, que les moments d’extase voilent, suppose une coupure, l’acte par lequel est tranché un indécidable, l’aporie théologique relative au Bien plutôt qu’au Vrai. La jouissance féminine advient avec le franchissement de la barrière du Bien, mais elle n’est atteignable, accueillie comme telle, qu’avec le franchissement de la barrière du Vrai…

La toxicomanie comme tenant lieu de symptôme .Pascale Macary- Garipuy 

Prenant à la fois appui sur le fait clinique de l’angoisse surgissant à l’arrêt de la prise du produit, et sur la fonction logique du symptôme dans la structure, l’auteur soutient que la « toxicomanie » n’est pas une solution symptomatique. L’apparition de l’intoxication, fréquente au temps dit de « l’adolescence », pose la question d’un second temps du symptôme, temps qui serait évité par le sujet qui choisirait de fuir dans une jouissance non phallique, évitant d’assumer la rencontre avec l’Autre sexe et le non-rapport sexuel, soit reculerait devant la castration…

L’ASSOCIATION

La ségrégation. Lina Velez 

Cet article se propose d’analyser la notion de ségrégation que Lacan introduit et déploie entre 1967 et 1970. Ce concept apparaît au croisement de trois problématiques : le lien social et la politique, l’institution analytique et la passe et finalement le discours de la science. La ségrégation est le principe même des discours qui structurent les liens humains. Il s’agit d’analyser d’une part le principe de ségrégation comme fait de structure et indissociable de l’humanité et d’autre part les phénomènes de ségrégation en tant que pratique dans le lien social contemporain…

Une expérience de cartel à l’APJL 

  1. Y mettre du sien : subversion ? profanation ? . Anne Volumard-Debry 

L’expérience de ce cartel m’a permis de préciser ce qu’il en est du réel de la transmission de l’analyse, hors cure. Cela a dévoilé la dimension politique du cartel, sur le versant du père réel, dans le sens où chacun y met du sien, à travers la livraison d’un intime qui a toujours quelque chose à voir avec une forme de transgression …

  1. Est-ce que ça passe ? Marie Claire Terrier

L’ expérience singulière de ce cartel m’ a permis de revisiter ce que fut mon travail en cartel .C’ est en position d’ analysant et non d’ analyste que l’ on s’ engage à y travailler à partir d’ un point d’ ignorance pour tenter de faire passer à d’ autres ce que l’ on a trouvé . Le produit de celui-ci fut de me permettre de rendre publique ma question, de la profaner en la faisant sortir du lieu sacré que peut être le cabinet d’un analyste …

c.« Qu’importe qui parle, quelqu’un a dit qu’importe qui parle ».Thérèse Charrier 

L’ expérience de ce cartel comme « plus une » fut une expérience de corps à corps avec le dispositif, sa mythologie et ses rituels : fonction du plus un ; déclaration ; titre ; production ; adresse ; dissolution .La question de l’usage de la cure et de l’intime s’y est posée de manière vive, interrogeant la place de différents dispositifs dans une association et la césure qu’ils créent entre sacré et profane…

LA PASSE

La passe, le réel et le dire .Claire Harmand 

La passe, expérience en cours, est une « clinique du dire » du passant, un dire soutenant un propos authentique, avec une part « qui ne se réduit pas au seul savoir ». Ce « dire » dans la passe pose les questions du dire dans la cure, de la direction de la cure, de la transmission, de la nomination d’AE. Le pari, inédit, de faire école à partir de la passe, recentre la transmission de la psychanalyse sur les cures…

Jean Paul  Meurant

Quelques associations peuvent se féliciter de maintenir des dispositifs de passe et, depuis quelques temps, d’échanger à partir de leurs expériences. Ces débats sont à même de maintenir ouvert le cours de la passe en favorisant le questionnement sans quoi il pourrait bien s’assécher ou se détourner de son enjeu…

PAS DE PORTE

Le réel, la jouissance, le hors discours… ou quelques réflexions sur le dispositif dit « analyse de pratique » . Jean Pierre Leblanc 

A travers ce propos et cette réflexion sur l’analyse de pratique, il s’agit de montrer comment peut opérer une clinique qui s’oriente sur la question de la jouissance et du réel. Clinique engagée, qui ne recule pas devant ce qui objecte à la parole : ce qui affecte, ce qui trouble, ce qui se donne au plus opaque, peut être le signe du surgissement d’un réel qui, lorsqu’on peut en reconnaitre l’émergence, devient un chemin possible pour entendre la part d’inouï, la part d’ « impensable » à laquelle le sujet qu’on rencontre a à faire…

Y ETU?

Sé soulié tou sel ki sav

si choset ni tou.

Seule la chaussure sait

si la chaussette est trouée.

Proverbe créole

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PSYCHANALYSE N° 17

Transférer, associer, séparer.

Assises sur le savoir du psychanalyste

                                                 PSY_017_L204                                                         

                                                   janvier 2010                                                            

THÉORIE 

La chair du transfert, Fabienne Guillen

Loin de la conception du transfert comme l’ombre d’un amour infantile, Freud pensait déjà le transfert en terme de véritable amour et Lacan en terme de désir actuel. Lacan a choisi Socrate dans tout le mystère de son désir pour produire le sujet-supposé-savoir comme ressort du transfert. Mais il ne suffit pas de susciter le transfert, encore faut-il accepter de l’incarner au sens de s’en faire « la chair ». Là se situe la ligne de partage entre le désir de Socrate et celui du psychanalyste…

L’équivoque de la séparation, Pierre Bruno

La séparation est majeure dans l’œuvre de Lacan à deux titres. Elle est le moment d’engendrement du sujet à partir de sa disparition. Elle a pour conséquence la composition du fantasme. Pourquoi alors ce concept est-il délaissé à partir de 1965? Sans doute était-il difficile d’utiliser le même mot pour parler de la composition du fantasme et de son retournement…

Notes sur des « symptômes contemporains », Silvia de Castro Korgi

Ce travail développe la tension entre les symptômes classiques et les symptômes dits contemporains, écart avancé par certains psychanalystes aujourd’hui. Dans cette perspective, il s’agira d’interroger la formulation même de symptôme contemporain et plus particulièrement de se demander si le concept de symptôme, au sens freudien du terme, reste valide quand on parle de symptôme contemporain. ..

ASSISES DE L’APJL SUR LE SAVOIR DU PSYCHANALYSTE

Les Assises sur le savoir du psychanalyste se sont tenues les 6 et 7 février 2010 à Paris sept ans après la création de l’Association de Psychanalyse Jacques Lacan. Il s’agissait pour celle-ci de vérifier par l’expérience qu’elle a fait, peu ou prou, école. Selon le pari qu’elle s’était donné dans ses statuts.

 Vous trouverez dans ce numéro les rapports de ces Assises, qui se sont articulées en trois temps : le premier consacré au savoir du psychanalyste  le second consacré à la passe et le troisième dédié à l’association….

Le savoir du psychanalyste

Ce texte consacré au savoir du psychanalyste est articulé en trois parties : la première porte sur le statut de ce savoir ; la deuxième expose les thèses marquant les positions inédites élaborées dans l’apjl ; la troisième aborde la situation de ce savoir dans la conjoncture (géographique et historique) actuelle et comporte une prise de parti éventuelle sur telle ou telle question apparue au premier plan. On prendra soin de ne pas considérer ce texte comme exhaustif et définitif, sans pour autant que ses rédacteurs pensent un instant ne pas se vouloir comptables intégralement de son état actuel…

 La passe

« C’est à la mesure du point d’acte qu’il atteint dans le symbolique, que se démontre le réel. ». Lacan. Ce travail a pour objectif de proposer quelques questions pour favoriser le débat lors des Assises. Nous aurions souhaité, dans ce rapport, faire état en les interrogeant des nombreuses interventions de Lacan sur la passe, des débats avec ses élèves, des étapes intermédiaires auxquelles certains…

 L’association

Ce texte est le produit des échanges qui ont eu lieu sur la liste mail de l’apjl à propos de « l’association apjl » depuis le mois de juin 2009. Il se veut « moment photographique » des points vifs que l’association rencontre, de ses doutes et de ses convictions, ainsi que des débats qui la traversent et l’animent aujourd’hui. Chaque associé qui a été désireux de le faire y a posé sa pierre, pour l’offrir…

LE CAS

Le rebours de l’interprétation, Elisabeth Rigal

Le transfert engage la cure. Il ne garantit pas pour autant la portée de l’interprétation de l’analyste, fut-elle bonne. Ce texte montre comment l’interprétation engage l’analyste et vient l’interroger dans sa pratique. Il prend particulièrement en compte les effets de rebours et d’après-coup à l’œuvre dans l’interprétation, côté analysant et côté analyste : dimensions du temps subjectif et de ses effets dans un moment de cure…

HOMMAGE À MICHEL LAPEYRE

Pour rendre hommage à son collègue et ami disparu en 2009, PSYCHANALYSE fait partager à ses lecteurs la réflexion que Michel Lapeyre mena sur le lien social en publiant l’un de ses textes majeurs intitulé « L’association, à la lettre »

L’association, à la lettre, Michel Lapeyre

 « …Un lien social qui rendrait justice au symptôme ne rendrait pas vaine la psychanalyse mais prendrait sa suite. Serait-ce trop demander à l’association de se situer dans cette perspective où elle ne ferait pas ou plus de la psychanalyse son monopole, son pré carré, mais où elle ferait école (et usine et laboratoire et terrain de jeu) pour le discours analytique, pour sa propagation qui va à l’encontre de toute domination et donc de la mainmise sur le symptôme ? En ce sens, la psychanalyse et son association sont forcément anticapitalistes. »…

 

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PSYCHANALYSE N° 16

 Du sujet de nouveau en question

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septembre 2009

THÉORIE

La mélancolie, névrose ou psychose ? La déception essentielle. Marie-Claude Lambotte

La question relative à la structure de la mélancolie prête toujours à discussion. La difficulté tient à plusieurs ordres, dont, en premier lieu, la « fluctuation » de la définition conceptuelle que Freud évoque dès le début de « Deuil et mélancolie ». Freud ne pouvait que se reporter au contexte psychiatrique et culturel allemand de son époque, et l’on connaît, par exemple, les modifications que Kraepelin…

Lapsus du nœud. Pierre Bruno

« Je ne parlerai de Joyce où j’en suis cette année, que pour dire qu’il est la conséquence la plus simple d’un refus, combien mental, d’une psychanalyse, d’où est résulté que dans son œuvre il l’illustre. » Jacques Lacan. Préalablement, je ferai quelques mises au point pour saisir l’enjeu du questionnement qui suit. En 1975 et 1976, Lacan tient le séminaire sur Joyce qu’il intitule Le sinthome. Outre…

L’espace de Schreber est-il un espace fibré ? Yann Diener

Après avoir essayé de parler des espaces fibrés dans le séminaire « Le président écrivant », il m’a été difficile de donner une version écrite de mon intervention. Je suis resté bloqué sur une remarque de Jean-Michel Vappereau ; en effet, quand je lui ai demandé pourquoi Lacan n’avait parlé des espaces fibrés qu’à deux reprises, il m’a répondu : « Parce que c’est un piège tendu par Lacan, et vous…

LE CAS

Me, I am (k)not : manque et ratage comme aspects de l’interprétation dans la cure avec un homme psychotique .Michael Meyer zum Wischen

Lorsque monsieur K. se présente pour la première fois à mon cabinet, il met du temps à commencer à parler. « Au fond je n’existe pas », dit-il, et continue : « Je ne suis pas là, beaucoup trop d’autres choses pénètrent de toute part en moi. » Monsieur K. porte des lunettes de soleil et, dans la salle d’attente, il avait les écouteurs de son mp3 dans l’oreille (tels des bouchons). C’est alors que j’entends…

Un enfant marquant .Marie-Claire Terrier

Nicolas a 8 ans quand il arrive dans l’institution, moi vingt de moins qu’aujourd’hui. Il est suivi en hôpital de jour depuis l’âge de 5 ans. L’école privée qui a bien voulu l’accueillir après son exclusion d’autres écoles de la ville, où depuis l’âge de 2 ans il pose des problèmes, demande grâce à son tour. « Je suis en difficulté, j’ai besoin que tu m’aides », dit-il lors de sa visite d’admission…

DU SUJET DE NOUVEAU EN QUESTION

Réponses d’Érik Porge et de Marie-Jean Sauret aux questions de Nicolas Guérin

« La psychanalyse a joué un rôle dans la direction de la subjectivité moderne et elle ne saurait le soutenir sans l’ordonner au mouvement qui dans la science l’élucide. » Nicolas Guérin : La tradition de critique sociale et culturelle qui existait déjà dans plusieurs productions de la culture, et notamment dans l’art, se développe, depuis quelques années maintenant, au sein de la psychanalyse, et particulièrement…

LA PASSE

De la cause perdue à la passe sans filet. Marie-Frédérique Doisneau

Tout d’abord, je tiens à vous dire combien je suis surprise et émue d’être là, heureuse d’avoir été nommée AE, non sans toutefois un léger retour d’angoisse, ne sachant pas du tout comment je vais occuper cette fonction transitoire d’AE ; peut-être en tentant comme je le fais aujourd’hui de vous parler sur le vif avec une certaine hâte ? C’est l’inconnu et c’est bien ! Tout reste à inventer. Je disais…

LA STRUCTURE

Père et Nom(s)-du-Père (4 ème partie)

En mai 1957, à la jointure entre le Séminaire IV, La relation d’objet, et le Séminaire V, Les formations de l’inconscient, Lacan écrit « L’instance de la lettre dans l’inconscient ». Ce texte comprend très peu de références directes à la question du père, mais n’en présente pas moins un lien avec celle-ci, à partir de la distinction que fait Lacan entre la lettre et le signifiant. En effet, la lettre,…

EXTÉRIEURS

Lambeaux : histoire d’une traversée suivie de Questions à Charles Juliet. Bernadette Etcheverry

En novembre 2008, un collectif lyonnais mit « à ciel ouvert » le produit de sa recherche sous la forme d’un colloque de l’apjl intitulé : « Création et transmission ». Il a invité l’auteur et poète lyonnais Charles Juliet, avec qui plusieurs psychanalystes (dont Jacqueline Ferret et Jacques Marblé) ont déjà tissé des liens forts au cours de précédents travaux. Bernadette Etcheverry, qui au fil de…


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PSYCHANALYSE N° 15

 

Le silence

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mai 2010

THÉORIE

Œuvre de silence. Isabelle Morin

« D’ailleurs, le langage mange le réel. »J. Lacan. Dante, au chant XXIV du Purgatoire, alors qu’il expose à un poète de la génération précédente, Bonagiunta de Lucques, le principe de la dictée d’amour, fondatrice de son « dolce stil nuovo », écrit que l’amour lui dicte ; il précise : « Il dicte, je vais signifiant. » Si je prélève cette expression aller signifiant avant de commencer à écrire, c’est…

Schreber : un monde sans tragédie ? Patricia León

Ce texte se propose avant tout de restituer, à l’analyse de Freud sur l’autobiographie du cas de paranoïa du président Schreber, le problème, souligné à plusieurs reprises par Freud lui-même, qu’impose l’idée de la « transformation en femme » et du « délire d’émasculation » de Schreber, et de tenter cette restitution en fonction de la logique de l’interprétation qu’il fait du cas. En effet, l’idée…

À mi-chemin des psychoses. Jacques Marblé

À mi-chemin des psychoses. S’agirait-il de rallumer la question des états limites ? Y aurait-il un mi-chemin vers les psychoses ? Y aurait-il pour Lacan un chemin sur lequel il aurait pu s’arrêter, à mi-chemin, au lieu de radicaliser la question des psychoses ? À mi-chemin du Séminaire III, qu’en est-il de ce trajet auquel Lacan nous a invité cette année-là en compagnie de Schreber ? Au moment où nous…

Un président devient fou. Michel Mesclier

Ne devient pas fou qui veut, devient président qui le peut. Nous pourrions commencer comme cela, sur ce demi-ton moraliste distinguant vouloir de pouvoir, et méditer sur la maxime par laquelle Lacan fait de la folie l’exception et non la règle, contre Pascal : « Les hommes sont si nécessairement fous que ce serait être fou par un autre tour de la folie que de ne se croire pas fou », quoique, Lacan…

Schreber et les appareils du symptôme. Jacques Podlejski

Revisiter le cas Schreber à la lumière des avancées de Lacan dans son étude sur Joyce, telle fut l’invitation à l’origine de ce travail. On en mesure aisément la difficulté : le Séminaire III sur les psychoses traite d’une psychose avérée, celle de Schreber, et de la logique structurale de son déclenchement pour interroger les conditions de possibilité de son traitement par la psychanalyse. Vingt ans…

LE CAS

Mission impossible. Alain Abelhauser

À Marie-Jean Sauret, pour ses avis et suggestions, ici, mais surtout pour son amitié, partout ailleurs. La guérison : un fantasme ? Non, « la guérison, c’est une demande », répond Lacan dans Télévision, « une demande qui part de la voix du souffrant, d’un qui souffre de son corps ou de sa pensée. L’étonnant est qu’il y ait réponse, et que de tout temps la médecine ait fait mouche avec des mots ». Soit….

L’ASSOCIATION

La foule à l’heure du discours capitaliste. Véronique Sidoit

Je vais commencer par une question qui me paraît fondamentale : comment comprendre que tous ces discours, ces mesures ou ces lois qui mettent à mal aussi bien le lien social que les droits fondamentaux de l’être humain ont autant d’impact, malgré leur analyse et leur dénonciation par quelques-uns, de plus en plus nombreux, malgré le sentiment de plus en plus partagé de graves dérives, comment comprendre…

BETTELHEIM, ET MANNONI

Ce qui reste de Bruno Bettelheim MANNONI Patricia León et Ramón Menéndez

Si l’on accepte l’idée que Victor, mieux connu comme le sauvage de l’Aveyron, était autiste (c’est la thèse soutenue par Uta Frith), la première prise en charge institutionnelle d’un autiste dont on a connaissance est la sienne. Elle a été conçue par Itard à l’institut des sourds-muets de Paris en 1800. Au-delà de la curiosité historique de la description d’Itard, reste la question qui le guide dans…

Maud Mannoni et les « (é)veilleurs d’humanité » Laure Thibaudeau

« Toute innovation véritable dans les domaines de la santé et de l’éducation risque de devenir impossible […]. La recherche est elle-même très compromise […voire] impossible en France du fait des contraintes croissantes de l’administration […] qui, en un mot, gère “la maladie” et ceux qui la traitent. Le désir de l’enseignant, ou du soignant, se trouve ramené à un système d’offres et de simples…

LA PASSE

L’équarrissage Catherine Vasseur

Autant la demande d’entrer dans le dispositif de la passe s’est imposée à moi, autant j’ai vécu la fin de mon analyse comme un acting out. Si nous en avions les lois ou les coordonnées, elle m’aurait été prévisible selon un modèle. Mais j’ai effectué là un forçage. J’ai eu trois analystes, qui correspondent à trois modalités de mon appel à l’Autre. Le premier, c’est à lui que j’ai adressé ma demande,…

LA STRUCTURE

Père et Nom(s)-du-Père (3e partie)

Durant ses jeunes années, Lacan écrit de nombreux textes sur la paranoïa. Il y reprend la théorie freudienne selon laquelle le délire psychotique est de nature homosexuelle. Seules deux remarques purement cliniques concernant le père peuvent être relevées. La première se trouve dans sa thèse rédigée en 1932, consacrée au cas Aimée et intitulée De la psychose paranoïaque dans ses rapports avec la personnalité….


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PSYCHANALYSE N°14

Du père réel

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janvier 2009

THÉORIE

L’hystérie, masculine. Balbino Bautista

Malgré les coups tordus des lobbies pharmaceutiques internationaux et l’idéologie anglo-saxonne de l’homme économique qui rêve de réduire à rien la pratique psychanalytique, l’actualité de l’hystérie ne se dément pas si l’hystérie reste ce qu’elle est depuis qu’on sait la reconnaître, une objection majeure à ce qui peut s’entendre comme « perversion ordinaire », soit l’effet même de ce que Jacques Lacan désigne sous le nom de « structure du sujet ». En tant que discours, l’hystérie oscille entre science et religion, art et révolution. Qu’elle fasse valoir le  » sujet » est un fait, un « dire » qui autorisera qu’on réexamine avec Lacan la condition qu’elle pose à l’advenue du « Discours de l’Analyste ». Freud échoue là où Lacan passera. C’est en se faisant « analysant » qu’on dégagera ici les coordonnées de cette problématique.

Les deux rêves de Dora : « Y a le feu au lac ! » Alain Lacombe

Les dernières lignes de l’exposé du cas, nous rappelle A. Lacombe, sont consacrées, par Freud, à mentionner un point de sa propre insatisfaction (ne pas avoir débarrassé plus radicalement Dora de son mal), et à souligner un élément d’opposition entre les deux rêves de Dora (retour vers le père pour le premier, détachement du père pour le second). Relisant ces deux rêves, A. Lacombe opère, de manière singulière, à partir d’une distinction entre « réalisation de désir » (comme réalisation d’un sens, au lieu de l’Autre, avec ce que cela comporte de reste, non réalisé) et « accomplissement de désir » (qui s’en tiendrait à la dimension de l’acte, du côté du sujet). Cet angle de la réalisation, et son versant de non réalisé, ouvre des perspectives nouvelles, notamment sur la répétition du rêve dans la cure, sur la question de Dora telle qu’elle ne cesse de la poser (avec ce petit point d’interrogation sur lequel nous interpelle l’auteur, ultérieurement ajouté par Dora à un énoncé du deuxième rêve), enfin, sur la dimension de la hâte, reliée par l’auteur au « pas d’acte sexuel », au refus du deux du couple, au statut de l’angoisse dans le second rêve, celui dont Freud, précisément, n’a pas pu réaliser l’interprétation. Ce balayage inédit, qui trace comme un nuage de points entre les éléments connus des deux rêves de Dora, s’achève sur l’hypothèse d’un nouage entre la question, non élucidée, du désir que le second rêve réalise, et l’insatisfaction de Freud.

Explorer ce système de nulle part… Sophie Mendelsohn 

La topologie dans l’enseignement de Lacan dans la décennie soixante-dix est plus qu’un support métaphorique, elle devient « un dire de structure », dit S. Mendelsohn.
Pour que la topologie puisse toucher au réel dont elle se motive alors pour Lacan, elle s’oriente sur le dire comme ce qui fait événement de structure, et qui en constitue le réel.
Elle cite Érik Porge (2008), qui considère la coupure comme étant une opération qui concerne conjointement l’inconscient et l’analyste et dont il fait précisément un des fondements de la clinique psychanalytique. Si le signifiant est coupure, alors ce que l’on entend par sujet de l’inconscient en est affecté, puisque si l’abord de l’inconscient structuré comme un langage est modifié, il reste que le sujet de l’inconscient est sujet du signifiant – mais du signifiant comme coupure. Comment l’analyste se trouve-t-il inclus dans le réel de l’inconscient? En effet, si l’interprétation se produit en fonction de l’équivoque qui se réalise du fait de l’équivalence matérielle du signifiant, alors « ce qui s’écoute » existe du fait du tranchement. Ainsi adossée à la coupure dont la topologie permet la « réélisation », la théorie psychanalytique se rend en quelque sorte étrangère à la connaissance pour devenir un moment du devenir du sujet de l’inconscient. Plutôt que d’un savoir référentiel, toujours susceptible de reconvoquer les idéaux qu’il aura peut-être commencé par écarter, il s’agirait donc d’un savoir textuel au sens où l’on a vu Lacan parler de matérialité du signifiant : c’est de la trame du texte dont on parle ici, qui produit moins du sens que des effets de sens, tissant on ne sait quelle surprise équivoquante.

Tot : la mort du père, à la lettre. Freud lecteur de Dostoïevski. Sandra Beosin

L’auteur revient sur l’essai « Dostoïevski et la mise à mort du père » (« Dostoïevski und die Vatertötung ») afin d’interroger son inscription dans la lettre et l’œuvre freudienne. La construction réalisée par Freud, dans cette introduction au roman Les frères Karamazov, autour de la racine « tot », conduit à la rapprocher de deux autres textes que sont Totem et tabou et L’homme Moïse et le monothéisme. L’examen de ce travail de nomination du psychisme nous enseigne sur la conception freudienne du renoncement au religieux. 

Fabriquer la femme qui n’existe pas. Catherine Bruno

A partir du constat, révélé par les mythes antiques, que les hommes ont toujours cherché à fabriquer « La femme qui n’existe pas », C. Bruno explore– faisant se répondre la littérature fantastique, et certains textes de Freud – le désir présidant au rêve d’une femme artificielle. Première découverte, la perfection féminine se réalise, pour l’homme, dans une femme morte ; deuxième dimension, la poupée vient incarner le lien au double ; « la femme artificielle est donc une figure de la femme morte, mais en tant que double qui ne jouit pas ». Tirant les conséquences du trait de la virginité marquant la femme artificielle, C.Bruno sépare finement deux figures que l’on pourrait confondre, d’un côté celle de la femme morte du fantasme masculin qui a pour fonction de contourner la castration, de l’autre celle de la femme (bien vivante) qui apporte la mort et introduit à la castration. De même, elle souligne la différence fondamentale entre la poupée gonflable, pur objet sexuel, et la real doll, partenaire de vie idéale mais inapte au sexe, dont le nombre croissant de propriétaires soulève une question de société, qui n’est pas sans activer dans l’actualité un sentiment d’inquiétante étrangeté.

LE CAS

Une névrose sans symptôme ? Isabelle Morin

Hélène Deutsch présente un cas qu’elle nomme hystérie de destinée, comme contribution au diagnostic d’une nouvelle forme d’hystérie. Elle considère en effet ce cas comme une hystérie « qui ne présente pas de symptôme ». Or il n’y a pas plus de sujet sans symptôme que d’humain sans colonne vertébrale. L’analyse de ce cas montre à quel point H Deutsch reste prise dans le diagnostic de Freud la concernant, qui ne portait pas sur un sujet sans symptôme, mais sur « l’absence de symptôme », que l’analyse n’avait pas permis de faire émerger. Relire H Deutsch, quelques décennies plus tard, nous permet de mesurer ce que nous a apporté l’enseignement de Lacan quand il ouvre la voie d’une direction de cure qui ne tente pas une quelconque pacification par le Nom-Du-Père, mais au contraire qui vise un réel à travers le symptôme. 

LA PASSE 

L’ignorance entre pensée et passe. Panos Papatheodorou

La question de l’entrée en analyse se pose dans l’après coup du témoignage de Passe. Il s’agit d’un témoignage personnel sur le moment du choix qui conduit à s’adresser au dispositif de la passe, traitant la question de l’entrée en analyse à travers l’ignorance et l’oubli. Un rêve d’angoisse sert de fil conducteur pour marquer l’ignorance constitutive de l’entrée en analyse. Cette ignorance, comme passion de l’être, prend un autre biais qui ouvre la voie vers le désir de l’analyste à partir du moment où il y a rencontre avec le réel de la jouissance. Les fragments de savoir qui ont constitué des points cruciaux dans l’expérience du témoignage renvoient à cette ignorance qui précéda l’entrée en analyse. Ce qui change est le rapport de la jouissance à la vérité.

FREUD 

Hystérie

Il s’agit de la traduction d’un article sur l’hystérie paru à Vienne en 1888 dans un manuel de médecine, le Handwörterbuch der gesamten Medizin, édité sous la direction du Docteur A. Villaret. Freud avait alors 32 ans. Ce texte témoigne du moment où Freud passe de la neurologie à la psychanalyse. Le traitement cathartique y est décrit et attribué à Breuer. Des éléments du travail différenciant les paralysies organiques et hystériques, publié en 1893, apparaissent dans des termes identiques. Le terme « inconscient » apparaît dans son acception psychanalytique.

EXTÉRIEURS

L’hétéronymie de Fernando Pessoa. « Personne et tant d’êtres à la fois ». Filomena Iooss

« L’hétéronymie de Fernando Pessoa » présente le grand intérêt de nous plonger dans l’œuvre de « cet énigmatique poète portugais », tout en révélant combien les problématiques émergeant de ses textes (« le Moi, la Conscience, la Solitude ») croisent celles de notre champ. Dans ce balancement entre poésie et psychanalyse, l’auteure nous rend vivant le surgissement des hétéronymes principaux de Pessoa, qu’elle propose de lire comme tentative, paradoxale, de recherche par le poète de son unité perdue, après un « effondrement subjectif » survenu dans son histoire. De même, F. Iooss lie des fragments de textes érotiques et amoureux, énoncés sous la plume d’hétéronymes (dont un féminin), à des questions relevant de la subjectivité du poète lui-même, telles que la frigidité masculine, la négation de l’amour, l’homosexualité, ou le genre neutre (ni homme ni femme) « qui fait certainement fantasmer Pessoa en tant que solution au tragique né de la différence des sexes ».

Le corps n’est pas ce que l’on croit. Pierre Bruno

L’auteur distingue “j’ai un corps” et “je suis un corps” pour aborder l’œuvre du vidéaste portugais Vasco Araujo et particulièrement sa pièce “Far de donna”. A partir de “je suis un corps” en effet, le rapport au corps ne se réduit plus à l’image du corps, mais appréhende celui-ci sans faire l’impasse ni sur les objets qui ne le déterminent qu’en étant prélevés sur lui, notamment la voix et le regard, ni sur sa dimension temporelle qui commence, avant la naissance, dans le mystérieux désir des parents, et se poursuit après la mort dans le rituel de la sépulture.


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