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PSYCHANALYSE N° 27.

Les déclinaisons de l’objet a 

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  mai 2013

LE SAVOIR DU PSYCHANALYSTE 

K.A.S . Pierre Bruno

L’objet de ce texte est d’extraire les acquis essentiels de l’article de Lacan « Kant avec Sade » et d’en proposer une lecture qui précise et développe les deux versants du fantasme, statique et dynamique.

Mots clefs : fantasme, objet a, sadisme, kant, Sade.

L’interprétation de l’inconscient. Nicolas Guérin 

Le travail du travail du rêve qui consiste, avec Lacan, dans le passage d’une jouissance à l’inconscient peut être considéré comme une interprétation au sens où l’inconscient interprète et où son interprétation est le rêve. Cette thèse réinterroge non seulement ce qu’est le rêve mais aussi ce qu’est une interprétation et comment s’articulent l’interprétation de l’inconscient et l’interprétation psychanalytique.

Mots clefs :  interprétation, rêve, sens, réel.

Hilda Doolittle : écriture sur le mur. Du symptôme hallucinatoire au sinthome artistique. Michael Meyer zum Wischen 

En 1933 l’écrivaine américaine Hilda Doolittle commença son analyse chez Sigmund Freud à Vienne. Cette cure fut orientée par un événement hallucinatoire vécut en 1920 à Corfou. Il s’agissait d’une écriture sur un mur que Freud fît  lire après coup à son analysante comme un poème. Hilda Doolittle pu alors s’identifier à son écriture poétique : son sinthome.  Au centre de cette écriture se trouvait la lettre S qui fonctionna comme nouage de trois registres R, S, I  pour H.D dont nous examinons les cordonnées. Une lettre isolée permit à Hilda Doolittle de lier les dimensions de la religion, de l’art et de la science présentes dans sa famille mais restées sans nouage pour elle jusqu’à sa cure analytique.

Mots clefs: sinthome, traitement de la  psychose, Freud , Hilda Doolittle

LE CAS 

 Un accident de transfert. Michel Mesclier 

Est-il possible qu’un cas de clinique  contredise la théorie psychanalytique ? Cette question suppose que la psychanalyse entre dans la catégorie des disciplines poppériennes soit qu’elle puisse être réfutable. Nous démontrons dans cet article qu’un tel critère ne peut pas être pertinent.  Cependant, le cas d’une enfant épileptique et psychotique met en défaut la théorie du transfert fondé sur l’analyste en place de semblant. Un évènement réel provoqué dans le corps du praticien par un acting-in du sujet conteste énigmatiquement cette thèse.

Mots clefs : réfutation, épistémologie, transfert, semblant d’objet a, holophrase, paranoïa, surface de Boy.

L’ASSOCIATION

La république de Joyce. Ramon Menendez. 

Dans la communauté analytique, la fonction du symptôme dans la construction du lien social a été largement travaillée. Le thème central de l’article cherche à ouvrir la réflexion autour de l’apport fait par Lacan dans la dernière partie de son enseignement en ce qui concerne la fonction du sinthome dans la logique collective. Après un bref parcours historique, nous abordons la dimension du réel qu’ introduit la solution joycienne, son sinthome, et les effets que celle-ci peut avoir dans la construction du collectif. C’est un exemple parmi d’autres de ce que Lacan appelle la République et qu’un jour il voudrait voir surgir dans la communauté analytique.

Mots clés : logique collective, réel, sinthome, République, psychanalystes, Joyce.

« a »

 C’est pas ç’a

LA LETTRE 

D’une écriture infinie : Kerouac en-Joyce the road.Florence Briolais et Michel Mesclier  

L’œuvre de James  Joyce fut pour Jack Kerouac à la fois une référence et une source d’inspiration. Serait‐ce par analogie de structure, du fait d’un nouage subjectif fautif d’un lapsus ?Dans cet article sera montré que ce nouage est comparable à celui que Lacan problématisa chez Joyce : un imaginaire désarrimé de l’articulation Symbolique –Réel.

Mots clefs : lalangue, schizophrénie, double, suppléance, nodologie, épiphanie, sinthome. 

PAS DE PORTE 

 La poupée mise à nu par ses célibataires. Christian Fierens 

La « poupée » tient lieu d’objet de satisfaction procuré par une science toute-puissante. Mais elle est sans voix et sans désir. Le problème serait de pouvoir lui greffer la dimension de la parole et avec elle du désir. Cette greffe n’est pas possible en raison de l’incompatibilité de l’objet cause du désir avec l’objet satisfaisant. Le concept oxymorique des « poupées qui parlent » est introduit par Jacques Nassif par la lecture d’une série de grands écrivains. Il permet de penser la division du sujet à nouveaux frais; il éclaire le processus de l’analyse, l’objet a, la fonction et la fiction du phallus, la place du transfert et de la voix.

Mots clefs : voix, phallus, fantôme, golem, mandragore, transfert, mort. 

« Tombé hors du temps ». Laurence Poutet 

Comment faire face à la perte incommensurable d’un être cher ? Comment retrouver le chemin de la vie sans se  trahir ni trahir l’amour ?  Tombé hors du temps, ce chant d’espoir  funèbre est la réponse singulière de l’écrivain David Grossman.

Mots clefs : deuil, perte, écriture

EXTÉRIEURS 

Un temps si humain. Charles Casanova 

En Sciences humaines, depuis l’antiquité,  le « temps » est questionné :  substance ou relation? « cours du temps », » flèche du temps« , est-ce pareil? Le « temps », signe de notre présence au monde ?

En Sciences physiques, la notion de temps évolue : l’espace et le temps sont absolus avec Newton ; relatifs avec Einstein et la géométrie de l’Espace-Temps ; avec la Mécanique quantique consacrée à l’étude du « monde » sub-atomique, la variable temps devient non nécessaire et dans l’étude de systèmes macroscopiques constitués d’un nombre immense d’éléments sub-atomiques, naît  l’hypothèse de l’émergence d’un « temps thermique », ceci en liaison avec l’irréversibilité des phénomènes naturels. On retrouve, là, l’humain: « phénomène » vivant et conscient de son irréversibilité !

Mots clefs :    temps  et espace absolus ;     espace et temps relatifs ;  variable temps inutile ; mécanique quantique.  temps thermique. 

UNE PSYCHANALYSE ?

Sortir de la débilité…Marie-Jean Sauret 

Est-il possible de faire un autre usage que débile du savoir si le discours analytique n’existe pas ? Sans doute la cure, rectification subjective aidant, permet à l’analysant de « lire entre les lignes » ce qui ne saurait que s’y mi-dire. Encore faut-il que l’analyste se prête au jeu et s’efface derrière le bout de réel avec lequel le sujet a rendez-vous. Fin de la débilité ? Pas encore : il semble qu’il faille encore s’expliquer sur cette découverte et que quelques autres consentent à écouter. Le dispositif de la passe semble prendre acte de ce simple fait : on ne sort pas de la débilité tout seul.

Mots clefs : débilité, discours, Ecole, logique collective, savoir, transmission.

Y ETU ?

Objet a (psych.) : laisse bouche b.

F. Matton et M. Potte-Bonneville, Dictionnerfs, éditions Le bleu du ciel, 2012.

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PSYCHANALYSE N°26

Le savoir du psychanalyste :

logique collective ; de la jouissance à l’inconscient ; fins de cure.     

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  janvier 2013

 LE SAVOIR DU PSYCHANALYSTE 

Malédiction (Sur le fétichisme).Anne Le Bihan.

Le fétichisme, paradigme de la perversion pour Freud, a eu une valeur euristique particulière pour la psychanalyse. Il n’est pas seulement réponse, mais aussi exercice d’une question ; le sujet pervers n’est pas sans symptôme. Le sujet fétichiste se soutient d’un désir « glorieux », c’est-à-dire instable, précaire, toujours menacé de choir. Le rapport de l’écrivain André Gide à la lettre et aux Lettres, étudié par Lacan, est ici à nouveau interrogé ; il apporte une contribution supplémentaire à l’étude du fétichisme.

Mots clefs : perversion, fétichisme, phallus, désir, lettre

Passeurs de mémoires. Véronique Sidoit. 

En quoi l’art peut-il faire mémoire et permettre la réappropriation du passé ? Comment art et mémoire peuvent-ils s’articuler pour faire œuvre de réhumanisation ? Pour traiter ces questions, nous nous appuierons sur l’histoire du Cambodge sous le régime des Khmers rouges. Attaques contre la langue, désubjectivation et démétaphorisation des signifiants, du discours, aliénation à de nouveaux mots sont des leviers utilisés dans le processus de déshumanisation. L’art, la création participent du traitement de l’indicible, de l’irreprésentable, permettant l’expression d’un espace subjectif à même de lutter contre l’effacement et de faire nouage entre mémoire individuelle et mémoire collective.

Mots clefs : Cambodge, réel, déshumanisation, désubjectivation, art, création, mémoire 

THÉORIE 

L’instance de la lettre pour l’Homme aux loups. Éric Bordas. 

Le rêve d’une Wespe et un lapsus, Espe, rapporté par l’Homme aux loups dans sa cure avec S. Freud, nous permettent, en nous référant à l’instance de la lettre de Jacques Lacan, de lire ce lapsus, à partir de l’élision de la lettre W, comme le chiffrage de ce que l’Homme aux loups n’a pu reconnaître dans son analyse.

Mots clefs : lettre, chiffrer, translitérer, Wespe, Wolf Man

Le père et la censure dans un rêve absurde de Freud.De quel père s’agit-il ? Panos Papathéodorou.

Dans toute la Traumdeutung, Freud traite la déformation du rêve en termes d’un Wunsch censuré. L’analyse de ce rêve particulier a le mérite de nous enseigner sur une autre dimension de la censure qui de plus excède sa fonction habituelle. L’apparition du père mort dans le contenu manifeste de ce rêve de Freud est un faux semblant qui a partie lié au défaut du père et à sa jouissance. Il s’agit d’un interdit qui porte sur le savoir et le sexuel.

Mots clefs : censure, père réel, savoir, défaut du père, sexuel, transfert, symptôme, fantasme 

ASSISES II 

La logique collective. Mettre à l’épreuve l’intransmissibilité de la psychanalyse. 

Les « Assises II du savoir du psychanalyste » comportent un volet « Logique collective ». Les organisateurs ont fait le choix de travailler plus particulièrement la question de l’intransmissibilité de la psychanalyse. Nous présentons ici l’interview réalisée avec Annie Castille et Nancy Katan-Barwell, organisatrices de cette partie.

Mots clefs : assises, psychanalyse, logique collective, intransmissibilité, savoir

De la jouissance à l’inconscient. « Un sacré déplacement ». 

Cet axe des Assises II sur « Le savoir du psychanalyste » se propose de déplier les conséquences de cette phrase de Lacan à propos du rêve : « Faire passer la jouissance à l’inconscient, c’est-à-dire à la comptabilité, c’est en effet un sacré déplacement. »

Mots clefs : jouissance, inconscient, rêve, Nom-du-Père, symptôme, sinthome 

Fins de cure. Faut que ça se finisse ! 

Cet axe, qui fait suite au travail sur la passe dans les Assises I, pose qu’il n’y a pas de fin de cure type. S’agit-il de sortie ? De fin ? De conclusion ? Toutes interrogent la question du transfert et ce qu’il en advient à ce qui fait terme de son analyse pour un sujet. Il s’agit pour lui de toucher au réel qui l’inscrit dans sa singularité, dans le monde, et qu’il éprouve au plus intime de sa position.

Mots clefs : sortie, fin, conclusion, transfert, amour, réel, singularité

LA LETTRE 

Le renom de l’artiste. Sylvianne Cordonnier. 

Le roman Madame Bovary nous éclaire, il y suffit de sa première page, sur l’acte de nomination. L’évènement d’écriture nouveau, broderie qui fait nœud sur un parement, est indissociable de l’avènement de l’artiste dans un renouvellement de l’acte dont s’origine le sujet. Le nom sinthomatique fait trace de ce nœud et l’effet d’accueil à l’œuvre doit authentifier un sujet de l’énonciation accordé à ce nom. D’être « pohète », Gustave Flaubert introduit une différence décisive entre la versification et la poésie telle que la définira Jacques Lacan et acquiert ainsi sa renommée.

Mots clefs : écriture, nomination, nom de sinthome

EN QUESTION(S) 

L’époque et le sujet. Regnier Pirard

Nous cherchons à préciser les conditions requises pour pouvoir penser, et non seulement décrire, les changements observables dans la clinique contemporaine. Nous tentons de surmonter la dichotomie de la structure et du phénomène, où le débat entre certains lacaniens semble s’être enlisé. Une conception dialectique du processus de subjectivation est ici mise en œuvre, selon laquelle le sujet est une contradiction productive, qui révèle sa profonde historicité. Nous terminons en esquissant dans cette perspective une lecture des discours selon Lacan.

Mots clefs : sujet, subjectivité, dialectique, discours

L’articulation du singulier et du « vivre ensemble », encore…Entre orthodoxie et hérésie, « l’humus humain ». Marie-Jean Sauret. 

Nous proposons de situer l’article de Régnier Pirard dans le cadre de la discussion sur la dimension historique ou non de l’articulation du sujet et du lien social. Névrosés, psychotiques et pervers contemporains témoignent après tout d’une « adaptation » non pas transhistorique mais prenant appui sur les caractéristiques de notre « vivre ensemble ». Et nous considérons comme « humusien » non pas ceux qui soutiennent cette position, mais ceux qui contribuent au débat autour du réel qui divise les uns et les autres.

Mots clefs : dispositif, hérésie, histoire, lien social, « humus humain » 

UNE PSYCHANALYSE ?

Une psychanalyse est une rencontre d’amour. Sabine Callegari. 

Qu’est-ce qui, du côté de l’analyste, répond à l’amour de transfert qu’engage un analysant dans la cure ? On peut parler de l’amour de l’analyste, mais pas en tant que « contre-transfert », qui serait duel et symétrique au transfert : en tant que lien d’abnégation dont l’écart avec un lien d’ordre amoureux est maintenu par le désir de l’analyste.

Mots clefs : amour de transfert, contre-transfert, amour de l’analyste, désir de l’analyste

 Y ETU ?

L’oubli de la source trouble

toute l’eau de la source.

 Gabriel Okoundji.


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PSYCHANALYSE N°25

Paroles imposées, catharsis, logique collective, décoinçage

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 septembre 2012

LE SAVOIR DU PSYCHANALYSTE 

Le sourire d’une femme. Une cure et sa conclusion. Marie-Claire Terrier.

« Je suis comme mon père, je n’ai pas eu de mère », énoncé que je m’entends dire dans la question que me pose alors l’analyste, « vous n’avez pas eu de mère ? », ce dès la première ou deuxième séance. Aujourd’hui encore je n’en reviens pas de l’avoir dit. Mais où donc ai-je été cherché ça, qui est un pur mensonge et que j’énonce là avec conviction, comme une vérité ? Ce sera le fil rouge tout au long de mon analyse jusqu’à ce que je le coupe. Dire particulièrement énigmatique où, à cet instant, à mon insu, un savoir que je ne sais pas me présentifie l’objet a que je suis dans mon fantasme, une enfant qui n’a pas eu de mère…

Paroles imposées. Bibiana Morales

La leçon du séminaire Le sinthome du mardi 17 février 1976 est dédiée à la question des paroles imposées, à partir de l’enseignement d’une des présentations de malades. Le vendredi 13 février 1976 eut lieu la présentation qui a permis à Lacan de parler des paroles imposées, dans le cadre du séminaire sur Joyce. Il s’agit donc d’un enseignement qui nous apprend la manière dont Lacan se laissait enseigner par le sujet. Lacan met en rapport cette présentation et ce séminaire sur Joyce sous la forme d’une suite logique entre l’une et l’autre…

La catharsis : une pérégrination consentie. Patricia León

La mise en place de la réalité de l »inconscient par le théâtre est une expérience de dévoilement. Le théâtre, au-delà d’un message à déchiffrer, nous fait vivre par une décantation de plans, par un détournement inscrit dans la forme qui lui est propre, la confrontation avec l’énigme de notre désir. Franchir cette limite pour toucher ce point où le désir se révèle comme réponse aux limites que le réel impose au sens, c’est traverser la zone de l’entre deux morts et cerner l’éthique de la psychanalyse.

Mots-clés : Catharsis, dévoilement, entre deux, désir, errance

LA PASSE

Quelques questions à partir de l’expérience de passeur à l’APJL. Bénédicte d’Yvoire

Pour entendre le témoignage du passant, il est nécessaire de mettre en veilleuse sa subjectivité. Mais faire l’expérience d’être passeur eut des effets subjectifs importants. Il ne m’a donc pas été très facile de trouver le registre juste pour en rendre compte. Je m’intéresserai d’abord à la fonction de la passe, ensuite à certains de ses effets…

LA LOGIQUE COLLECTIVE

Logique : du subjectif au collectif ? Élisabeth Rigal  

L’Association de psychanalyse Jacques Lacan a inscrit « la logique collective » comme un des thèmes de ses prochaines assises sur le savoir du psychanalyste. Je pose l’hypothèse en me référant à Jacques Lacan que le collectif n’est pas le groupe. Le groupe a fait l’objet d’un certain nombre de travaux, il est décrit dans ses caractéristiques, son fonctionnement, ses effets. Dans « Le temps logique et l’assertion de certitude anticipée 1 », Jacques Lacan mentionne pour la première fois (1945) l’expression de logique collective. Ce texte montre d’évidence qu’il situe la question du collectif comme primordiale par rapport à celle du groupe…

Logique collective ? Un rapport véridique au réel. Thérèse Charrier

Qu’est-ce qu’on entend par logique collective ? L’utilisation de cette référence à Lacan devenant confuse pour moi, je suis retournée aux textes. L’expression « logique collective » n’apparaît que deux fois dans son œuvre, dans deux textes publiés dans l’après-guerre …

Logique collective et fonctionnement. Brigitte Gallot-Lavallée

Pour traiter la question de la logique collective, je proposerai de reconsidérer encore et encore le fonctionnement et de retenir au titre de fonctionnement les trois inventions actuelles de la psychanalyse – et seulement elles : la cure, la passe et le cartel ; à l’exclusion donc de l’association, des séminaires et autres assemblées. Si je ne retiens que ces trois, c’est à partir de l’interprétation que je fais du fameux énoncé de Lacan, en tant qu’il est prononcé dans le temps de la dissolution, dans le temps de l’acte, dans le temps où il se sépare des personnes, mais où il est prêt à reprendre du fonctionnement avec ceux qui le voudront : « Je n’attends rien des personnes et quelque chose du fonctionnement » ….

Ou l’incomplétude, ou l’inconsistance. Jacques Podlejski

L’histoire du mouvement analytique, depuis l’excommunication de Lacan puis la dissolution de son école, m’a souvent fait penser à l’histoire politique des Balkans et à l’éclatement récent de la Fédération yougoslave, avec ses épurations et ses sécessions, dans une analogie où mobilisation transférentielle et revendication de légitimité doctrinale tiendraient lieu de référence linguistique, ethnique ou religieuse. Mais c’est une nouvelle, tombée au début du mois de décembre 2011, qui m’y a ramené. En effet, un important accord diplomatique a été alors conclu sous l’égide de l’Union européenne entre Serbes et Kosovars. Aux termes de cet accord, il est convenu que des représentants des deux parties géreront ensemble les points de passage entre leurs territoires respectifs. Le point d’achoppement tenait au fait que, la Serbie ne reconnaissant pas le Kosovo comme entité indépendante, elle ne peut pas non plus reconnaître l’existence de frontières avec des territoires qu’elle considère internes à elle-même…..

THÉORIE

Contiguïté des jouissances et travail de l’inconscient. Nicolas Guérin.

Je compte aujourd’hui organiser un ensemble d’interrogations et de remarques centrées sur la première question de l’argument rédigé par Pierre Bruno, Sophie Duportail et Laure Thibaudeau et diffusé sur les listes électroniques de l’APJL le 6 décembre 2011 : y a-t-il une jouissance primaire en deçà de la jouissance phallique ? Je me suis d’emblée demandé d’où venait cette question. Pourquoi est-elle posée (elle n’était pas mentionnée lors de la préparation des Assises I) ? Mais aussi quelles en sont les conséquences cliniques et pratiques ? Je laisserai pour le moment en suspens ce dernier point sur la clinique et la pratique. Cette question donc sur le rapport entre une jouissance phallique et une jouissance non phallique se noue à d’autres problématiques citées dans l’argument susdit, comme celle du rapport de subordination ou la disparité entre le sinthome et le Nom -du- Père, ou encore ….

La douleur dénomme. Jacques Marblé

« Comme l’a dit un philosophe pour lequel j’ai le plus grand respect, la terminologie est le moment poétique de la pensée 1. » Agamben exprime ainsi son admiration pour un philosophe inconnu et pour la terminologie. Ensemble des termes propres à une science, la terminologie est proche de la nomination, qui consiste à donner un nom : elle lui succède en l’occurrence quand il s’agit de faire corpus scientifique. La psychanalyse en tant que nouvelle science a inventé ses noms avant de constituer sa terminologie. La douleur remet particulièrement en question cette articulation, elle l’actualise même au cas par cas lorsque chaque douleur physique oblige le sujet qui en souffre à inventer …

QUESTION(S)

Secousses passionnelles sur les rives du sevrage maternel.Luminitza Claude pierre Tigirlas

Trois lettres de son prénom en plus d’un gène isolé de son sang et voilà qu’Eduardo Kac expose son œuvre – sa progéniture ou son double végétal ? – qu’il appelle Edunia. Le gène de l’artiste américain du bio-art produit une protéine exclusivement dans le réseau veineux d’un pétunia qu’il a subvertie afin d’obtenir une nouvelle forme de vie. Quels mots accompagnent le geste d’Eduardo Kac de concevoir un être qu’on dirait à la fois fleur et humain ? Quelle serait sa portée symbolique ? L’association courante entre la recherche par génie génétique et la monstruosité l’amène à mettre en exergue le fait que certaines séquences du génome humain proviennent de virus ou de bactéries. Conclure que l’homme est transgénique autorise Eduardo Kac à affirmer que « les monstres, c’est nous ». Il prône aussi une poésie hors métaphore….

UNE PSYCHANALYSE ?

Une psychanalyse n’est pas un autoportrait. Isabelle Morin

Une psychanalyse est possible quand l’analysant ne dit plus à son analyste comment il se voit, ni comment il imagine qu’on le voit : « Je suis comme ci » ou « je suis comme ça », ou encore « on dit que je suis comme ceci ou comme cela ». On entend certains analysants annoncer comme programme à leur début « je veux être en accord avec moi-même » ou « je veux être moi ». Pour ne pas les décourager d’emblée, nous nous abstenons parfois de leur faire remarquer qu’être en accord avec « moi-même » est impossible parce que je ne suis pas moi. Le processus analytique nécessite que l’analysant repère qu’il n’est pas celui qu’il croyait être, qu’il n’est pas non plus celui dont il parle parce qu’il y a ….

EXTÉRIEURS

Décoinçage. Pierre Bruno 

Il est peu probable que la psychanalyse soit élastique au point de fournir le scaphandre qui conviendrait pour protéger la civilisation (Kultur dans la langue de Freud) de son malaise. Pour annoncer la couleur, disons plutôt qu’il s’agit de faire de ce malaise un symptôme, non pour l’éradiquer, mais pour s’en saisir comme d’un vecteur capable de transformer le passé, afin d’émanciper le présent de la dette incluse dans le fait d’avoir commencé à parler. Le symptôme, dès lors qu’interprété, ne disparaît pas, il devient insurrectionnel. Pour poser efficacement ce qu’il en est de ce recours, nous pouvons partir de ce que trois ancêtres, tout à fait méconnus, de Freud, Paul de Tarse, François de Sales et Fénelon, ont énoncé sous l’expression « supposition impossible » : que Dieu existe et qu’il me maudisse même (et surtout ?) si je me voue à l’aimer absolument. Ces trois audacieux ne reculent pas devant cette éventualité, moins impossible donc qu’il n’est dit, en répondant par un : je l’aimerais quand même. Ce « quand même » résonne chez Freud dans la seule injonction reconnue par l’analyste s’adressant à l’analysant : « Dites quand même. » Ce « quand même » en effet…

Y ETU ?

« Le jour où je suis né,

ma vie changea du tout au tout. »

David Grossman, Femme fuyant l’annonce.

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PSYCHANALYSE N°24

Le rêve, exclusion interne, l’autisme, le père et ses noms

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 mai 2012

LE SAVOIR DU PSYCHANALYSTE  

L’amont du rêve. Pierre Bruno

Je ne suis pas mécontent de n’avoir qu’un temps limité, dans la mesure où cette contrainte m’obligera à vous exposer une épure de ce que j’entends vous faire part. Cette épure, je l’initie avec l’énoncé d’une question : qu’est-ce que nous pouvons apprendre de Finnegans Wake qui ait des conséquences sur le savoir psychanalytique ayant trait au rêve ? Ce roman, Finnegans Wake, nous conduit-il à amender la Traumdeutung de Freud ? Pour d’emblée renoncer au suspens, je répondrai oui, ce « oui » qui est aussi le dernier mot d’Ulysse.

L’exclusion interne. Isabelle Morin

Dans ma précédente intervention concernant la cure de l’Homme aux rats, j’avais interrogé la façon dont le réel pouvait résonner dans le symbolique pour qu’une extraction conduise le sujet à se reconnaître dans son symptôme. Aujourd’hui, je poursuis à partir d’un renversement préalablement nécessaire pour ouvrir vers une fin d’analyse.

Un labyrinthe imparfait. Florence Briolais

Il faut tout d’abord en repérer l’entrée comme le fit Freud dès la première rencontre avec ce patient lui apprenant à quel degré d’intensité il avait joui, enfant, de sa trop grande proximité avec les femmes, jusqu’à pouvoir palper les organes génitaux de Mlle Rudolf, sa gouvernante. Un labyrinthe où l’on entre par la jouissance en excès. Comment aurait-il pu en sortir ? Tel sera l’enjeu de mon intervention. Et j’avancerai deux hypothèses : le labyrinthe imparfait est le modèle de l’espace subjectif de Ernst Länzer arrivant chez Freud ; et un traitement plus poussé de sa névrose lui aurait permis de trouver la sortie de ce dédale et de changer d’espace subjectif.

Une grotte qui sent l’ours(e) ? Catherine Bruno

Chez les lapons, le mythe fondateur du culte de l’ours, qui était encore pratiqué en Laponie avant que le renne ne le supplante, est un mythe qui met en scène la féminisation de l’ours. L’auteure s’appuie sur son analyse pour reprendre pas à pas le mythe freudien du Père de la horde et tenter ainsi de repérer ce qui vient à les différencier et quelles questions psychanalytiques ces différences peuvent poser. Contrairement au mythe freudien, l’humanisation naît de l’union d’un ours et d’une femme, une union qui pour avoir cet effet doit aboutir à la mort de l’Ours. C’est l’intervention d’une femme par son mariage avec un animal qui permet de générer l’humanité avec la naissance d’un premier fils, qui justement parce qu’il ne tue pas son père, devient humain. L’auteure avance que le partenaire bestial n’est pas un être de jouissance, mais bien plutôt celui qui introduit à la castration.

Mots clés / féminisation, jouissance, castration, mythe, père de la horde

BÉVUE

L’autisme : vers une science au service de l’idéologie ?Ramon Menendez

Des décisions politiques récentes en France semblent aller dans le sens de promouvoir les techniques éducatives et comportementales dans la prise en charge des autistes. Cela se fait en opposition à la psychanalyse et au nom des progrès de la science. L’article décrit les aspects idéologiques et politiques du travail de Eric Schopler, connu pour avoir créé le programme TEACCH dans la prise en charge des enfants autistes et souvent cité comme modèle à suivre. Schopler a mis l’accent sur un travail avec leurs parents. Sans trop se soucier de la dimension subjective des enfants, il organise un réseau de parents d’autistes et fait pression sur les législateurs pour obtenir la reconnaissance de l’autisme en tant que handicap et pour le développement de sa technique pour en faire un programme d’Etat en Caroline du Nord (USA). Les aspects cliniques et scientifiques de son travail ne sont pas d’une grande rigueur.

Mots clés : Autisme, psychanalyse, TEACCH, science, idéologie

LE CAS 

Une conclusion inédite. Christian Cros

En prenant appui sur l’atelier de Toulouse, centré sur les conclusions des cures, je vais dégager, à partir d’un cas clinique, la question de savoir si une articulation peut s’élaborer entre ce que j’appellerai les points de convergences cliniques, qui ramassent ce cas, et la sortie telle qu’elle s’est effectuée. C’est donc une construction que je vous propose, basée sur l’axe qui constitue le cœur de l’expérience subjective de cette femme que j’ai rencontrée, durant treize ans, à un rythme régulier avec une assiduité sans faille.

Un sinthome à la lettre. Sylvianne Cordonnier

« Tu es bon pour l’HP. » Comment V., jeune sujet psychotique, se prend à l’offre de la psychanalyse pour faire du diktat maternel sinthome en en inversant les lettres : « Je serai PH, Professeur d’Histoire. » « J’ai fait un délire paranoïaque mais c’est fini et j’ai 18 ans. » Sur ces mots, le jour de son anniversaire, V. mettra fin à nos rencontres au centre de consultation où il venait régulièrement me rencontrer depuis l’âge de 15 ans. 

LA PASSE 

(Je)u de dupes. Slavka Balat

La rédaction de cet écrit fait suite à ma passe, à ma nomination en tant que AE de l’APJL, mais aussi à une première tentative publique d’élaboration 1. Il a été remanié à maintes reprises au fil du temps de l’écriture, jusqu’à (et à partir de) son point d’arrêt – le point révélant la prise dans ma propre duperie. Il est donc un témoignage partiel des métamorphoses de l’écrit par ce que le cours de l’écriture elle-même – et la confrontation au public – met au jour.

L’expérience de la passe. Secrétariat de la passe

Un secrétariat de la passe peut-il transmettre quelque chose de son expérience ? Nous avons soumis cette question aux membres de l’Association de psychanalyse Jacques Lacan parce qu’elle n’est pas d’usage. Généralement, on situe la transmission du côté des cartels et des passants, plutôt analystes de l’École (AE) d’ailleurs. Le secrétariat, en général, est silencieux.

THÉORIE 

Pile ou face. José Guinart 

Dans son séminaire sur « La lettre volée », dans l’année du séminaire Le moi dans la théorie de Freud et dans la technique de la psychanalyse, Lacan introduit le jeu de pair et impair, utilisant comme représentation du réel l’aléa qui se manifeste dans une série de « + » et de « – » correspondant au tirage du jeu de « pile ou face », l’un ou l’autre. Ce jeu, Lacan l’évoquera aussi dans D’un autre à l’Autre pour le désigner comme en parlait Pascal : « croix ou pile ». Ce « croix ou pile », c’est le réel absolu qui « est précisément quelque chose qui est défini, que nous ne pouvons savoir ni s’il est ni ce qu’il est ». Nous allons nous intéresser à ce jeu avant d’évoquer les parties intersubjectives de pair et impair.

LA STRUCTURE

Le père et ses noms (8e et dernière partie)

Le tore du père ? En novembre 1974, au septième congrès de l’École freudienne de Paris, Lacan prononce à Rome une conférence qui marque, juste avant le début du séminaire R.S.I., un tournant. On peut, sous réserve du développement qui va suivre, caractériser ainsi ce tournant : le questionnement du Nom-du-Père, dans sa parenté avec la réalité religieuse, est un questionnement corollaire sur les Noms-du-Père qui aboutira à mettre (ou remettre) au premier plan ce qu’il en est de la nomination, ou plutôt des nominations. Sans l’élucidation de ce tournant, il serait vain ou du moins très aléatoire de vouloir accéder à l’intelligence du séminaire sur Joyce.


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PSYCHANALYSE N°23

Kafka – L’angoisse – Le père et ses noms –Artaud /Queneau

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janvier 2012

LE SAVOIR DU PSYCHANALYSTE

Cru ôté. Thérèse Charrier.

Un mot fut dit par l’analyste puis oublié. Quelques années plus tard, il ressurgit chez l’analysante et plus rien ne fut pareil. Il y eut un avant et un après. L’interprétation – entendue à minima comme un dire de l’analyste – et le temps sont indissociables. Pour appréhender cette question du temps et de l’interprétation je vais me situer côté analysante et reprendre un morceau de mon écrit de passe….

Une petite femme pour l’homme Kafka. Véronique Sidoit

« L’homme entre loup et rat »… Kafka, avec son formidable bestiaire, cette prolifération d’animaux qui pensent, parlent, souffrent, s’est imposé à moi. En effet, il y a, dans l’œuvre de Kafka, évidemment le cloporte ou la vermine de La Métamorphose, mais aussi des souris, des rats, des taupes, des chiens, des singes et j’en oublie certainement, un ensemble d’animaux plus vivants et plus sujets que les êtres humains de la plupart de ses écrits. Cette identification de l’homme à l’animal mériterait un travail approfondi, Sophie Mendelsohn en a parlé le mois dernier, l’animal n’étant pas à prendre comme une métaphore mais comme « le lieu de réalisation d’une altérité radicale, d’une extériorité interne, » ou, pour le dire autrement « l’animal est là où une expérience du réel peut se faire en l’homme »…

Kafka non-dupe. Sophie Mendelsohn

« Assez de psychologie ! » Pourquoi, en effet, ne pas se soumettre à ce célèbre précepte du Journal de Kafka, dans l’espoir, bien freudien, que l’artiste ouvre la voie d’une connaissance autrement inaccessible, celle qui précisément excéderait les limites de la psychologie ? S’y soumettre implique pourtant d’emblée de consentir à entrer avec lui dans le labyrinthe de l’indéterminable, où être quelque part revient à être toujours simultanément ailleurs. Ainsi a-t-il pu aussi arriver à Kafka d’encourager une lecture psychologisante de son œuvre, qui serait le reflet de son monde intérieur, voire même sa traduction ; il sait pourtant qu’il est un homme de l’exclusion et de l’infini labeur …..

Traversée de l’angoisse. Nicolas Guérin

Qu’entendre par « traversée de l’angoisse » ? Il s’agira moins ici de génitif subjectif que de génitif objectif. Donc moins de la fonction et des effets de l’angoisse traversante que de l’angoisse traversée. Pour déplier cette question, je m’appuierai sur un passage de la fin du séminaire L’éthique de la psychanalyse ; passage dont je n’avais pas pris auparavant la mesure. En effet, on verra qu’il implique de nuancer, sans l’invalider, la thèse à venir de l’angoisse comme affect qui ne trompe pas

FRAGMENTS

Fragments. Takako OKADA

L’amour est réponse d’un indécis, le désir naît d’une fissure. …. je me suis trompée sur le sens du terme français « l’indicible », je ne connaissais que le mot inexprimable ». Indécis- Indicible … Dire est une décision ? Dire Dieu, c’est une prétention. Si je dis « Dieu », Dieu devient faux….

THÉORIE

Noms étrangers. Les rêves et les hiéroglyphes. Masaaki Sato

Tous les noms de personnes et de choses furent une fois étrangers au sujet, de même que sa langue maternelle lui a été une fois une langue étrangère et qu’elle sera à nouveau secouée par la psychanalyse jusqu’à ce qu’elle recouvre son étrangeté propre. Le son des noms significatifs, ou plutôt chargés de sens, doit retrouver sa place d’ambiguïté propre et être perçu en tant que son. Cela se produisit avant Freud lors du déchiffrage des hiéroglyphes par Thomas Young et Champollion…

Actualité de la querelle du phallus. Jacques Podlejski

Entre janvier 2007 et janvier 2008, la revue Psychanalyse a publié un ensemble de textes traitant du phallus et de la fonction phallique. Ces textes, l’avancée du processus de réglementation des psychothérapies en France et la publication du Manifeste pour la psychanalyse ont inspiré le présent travail. A partir d’un retour sur les thèmes traités dans ces colonnes en 2007 et 2008, celui-ci se propose d’en resituer les enjeux dans la modernité contemporaine et de les articuler avec quelques-unes des questions que les assises de l’Association de Psychanalyse Jacques Lacan mettent au cœur de leurs travaux…

LA STRUCTURE

Le Père et ses Noms. 7ème Partie.

En 1969-70, le séminaire L’envers de la psychanalyse se tient à la Faculté de droit. Disons d’emblée que ce séminaire marque un tournant dans la mesure où il introduit la catégorie de « père réel » d’une façon que nous pouvons considérer comme novatrice. Nous ne pouvons, à cette occasion, passer sous silence l’ironie du propos avec lequel Lacan parle des essais pour assembler les principales données d’une question, celle du père en l’occurrence. Cet « exercice pénible », selon lui, n’est cependant pas de nature à nous décourager et nous nous y engagerons plutôt, avec comme entame, la rectification que d’emblée pose Lacan : L’identification primaire, dit-il, se fait au père (et non à la mère), et ce parce que le père « mérite l’amour »…

EN QUESTION(S)

Le sourire du Chat de Chester. Ou doit-on parler des patients que l’on invente ? Arthur Mary

Que serait le récit fictionnel d’une rencontre clinique ? Nous partirons du double constat que nous imposons des transformations lorsque nous parlons d’un patient (pratiques d’anonymisation) ; et que nous ne saurions qu’être subjectifs dans la production du récit d’une rencontre. Est-il possible alors d’inventer de toute pièce un sujet autre que soi sans pour autant tomber dans une construction seulement imaginaire ? Ces réflexions pourraient renouveler notre façon de parler de patients que l’on n’invente pas.

Mots-clés : Fiction, éthique, anonymisation, récit clinique

PAS DE PORTE

Ce n’est pas ça. Lorena Escuredo

Orientée par la psychanalyse, j’interviens en tant que psychologue dans un service de médecine hospitalière. Dans l’institution, il y a un appel qui retentit constamment, mêlé de questions, de nouages, d’accrocs, de répétitions et de frustration ; cet appel c’est la demande ou les demandes et je vais m’intéresser à celles que je reçois. Elles sont au centre des discours institutionnels et sont presque comme des petits objets volants que je vois et que j’entends circuler entre les uns et les autres. Puisque le patient vient à l’hôpital pour soigner une maladie somatique, sa demande initiale est faite au médecin. C’est une demande de guérison …

INÉDIT 

Une lettre d’Antonin Artaud à Raymond Queneau. Serge Malausséna

Lorsque le 1er février 1945 Antonin Artaud écrit cette lettre à Raymond Queneau, lettre restée à ce jour inédite, il est interné à l’hôpital psychiatrique de Rodez depuis février 1943. Le Dr Ferdière le libérera en mai 1946. Son enfermement dans les asiles aura duré 9 ans…


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PSYCHANALYSE N° 22

L’interprétation. Le père et ses noms 

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 septembre 2011

THÉORIE

Les dessous de l’interprétation Pierre Bruno

J’aurais pu dire les dessus-dessous de l’interprétation, dans la mesure où ce que nous dénommons « interprétation » en psychanalyse ne peut pas ne pas être sans relation avec la topologie du nœud borroméen, développée par Lacan à partir du séminaire Encore, en 1973. J’ai cependant gardé le titre initial pour ne pas affaiblir l’équivoque « dessous », qui évoque en français la lingerie féminine. Pour…

Le souvenir déchiré Patricia León

Le cas de l’homme aux loups rend raison de façon exemplaire de ces va-et-vient de Freud entre souvenir, rêve et remémoration. Je vais tenter ici de mettre en relief l’importance de ces oppositions qui permettent à Freud non seulement d’établir la complexité, selon ses propres mots, entre un ordre historique (histoire de la maladie) et un ordre pragmatique (histoire du traitement), mais principalement…

L’autisme à la lumière de l’interprétation des rêves Marie-Jean Sauret

Vincent est le prénom choisi par Alain Lacombe pour parler d’un adolescent autiste. Cet adolescent parcourait les voies de l’institution, s’arrêtait pour des motifs insaisissables ici ou là, engloutissait les objets qu’il ramassait. Fernand Deligny a qualifié les parcours de ce type de « lignes d’erre » : « Cette ligne dont il s’agit de rechercher l’écriture, avance-t-il, elle est d’erre. Elle nous…

Entre morsure et regard Isabelle Morin

Les loups et les rats ont en commun de mordre, de dévorer, de ronger, de mordiller, voire de fouiner, ils cherchent la chair. Il s’agit non seulement de morsure mais du regard. Rats et loups fixent leurs proies et les laissent suspendues à l’angoisse, leurs cris annonçant le pire. Le regard est tout autant primordial, il y a, chez l’homme aux rats, une affinité entre ces objets de la demande et ceux…

Héritage et transmission du désir Massimo Recalcati

Deux grands films de Clint Eastwood récemment parus, Million Dollar Baby (2005) et Gran Torino (2009), nous permettent d’aborder de près la question de la transmission du désir à l’époque de « l’évaporation » du père. Nous avons beaucoup insisté là-dessus : ce qui reste du père dans le temps du déclin de sa fonction symbolique est la possibilité d’un témoignage incarné de ce qui signifie vivre éthiquement…

« Lâche définitivement » ? Élisabeth Rigal

Cette expression qui fait notre titre est de Louis-Ferdinand Céline. C’était une affirmation, une position, et s’il n’avait été si farouche, il aurait pu en faire une revendication. La lâcheté renvoie à sa position de fond, que certains qualifient de nihiliste mais qui est certainement plus complexe. Certains également l’ont situé comme préfigurant l’homme contemporain, celui qui, dépouillé de ses…

LE CAS

Au sujet de l’autisme : Odile ou le silence et l’absence comme offre Isabelle Rebreyend 

Odile est une petite fille que j’ai accepté d’accueillir alors qu’elle avait 5 ans. J’ai engagé ma responsabilité en tant qu’« assistante maternelle thérapeutique » dans le cadre de la « famille d’accueil thérapeutique » pour lequel j’avais un agrément pour trois enfants à domicile, de jour comme de nuit. À 10 ans, ayant dépassé l’âge pour l’hôpital de jour dont dépendait le placement, Odile a été…

Le corps, un élément tiers séparateur ? Gabrielle Devallet-Gimpel

La question de départ de ce travail est de savoir comment le vécu corporel accompagne ou signale un changement subjectif en cours ou en fin d’une cure psychanalytique. Nous questionnerons plus particulièrement deux phénomènes corporels à partir d’un récit clinique de fin de cure : une sensation étrange d’avoir un avant-bras « mort », interprétée comme une manifestation du réel, et une inflammation…

EN QUESTION(S)

« Je t’aime…moi non plus » Michel Plon

À un journaliste qui l’interrogeait sur ce qu’il en était de son rapport à Picasso, Salvador Dali répondit : « Picasso est espagnol, moi aussi ! Picasso est un génie, moi aussi ! Picasso est communiste, moi non plus ! » Le chanteur compositeur Serge Gainsbourg, dont on fête en ce moment le vingtième anniversaire de la mort, reprit cette réponse déconcertante pour en faire le titre d’une chanson, Je…

LA STRUCTURE

Le père et ses noms (6ème partie)

Le séminaire L’angoisse, que Lacan termine en juillet 1963, a mis en évidence l’irréductibilité de l’objet a et livré ce fil directeur d’un trou dans le symbolique. La fin de l’année 1963 est une période de crise ou plutôt d’une résolution de crise. La directive de Stockholm exclut Lacan de la liste des didacticiens et, après quelques péripéties, le 19 novembre 1963, la Société française de psychanalyse…

REBOND

Sur la fonction du beau Isabelle Morin

« Avons-nous passé la ligne ? Il ne s’agit pas de ce que nous faisons ici, mais de ce qui se passe dans le monde où nous vivons. Ce n’est pas une raison parce que ce qui s’y profère fait un bruit assez vulgaire pour que nous ne l’entendions pas. »J. Lacan. Déjà en 1960 Lacan avait trouvé crucial de consacrer un séminaire à ce que pourrait être une éthique qui tiendrait compte des paradoxes du désir….

EXTÉRIEURS

7 000 degrés sur la place de la Paix à Hiroshima Luisa Futoransky

J’ai habité brièvement dans les couloirs de l’infamie, je me suis arrêtée devant les entailles minutieuses du témoignage qui, face au chiffre absolu de l’horreur, a dû trouver de nouveaux mots pour nommer ce qui est arrivé : explosion atomique, radiation nucléaire, chéloïdes, pluies noires. J’ai parlé, regardé, et cru comprendre le récit prolixe de quelques survivants, et j’ai laissé libre cours à…


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PSYCHANALYSE N°21

Névrose obsessionnelle. Psychanalyse en Syrie.

Le manifeste pour la psychanalyse. La fin   

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mai 2011

THÉORIE 

Les « loupés » de l’homme aux loups. Marie-Jean Sauret 

Sous cet intitulé, je me propose de poursuivre le débat qui se développe sur le fait de savoir s’il y a ou non « quelque chose » de « raté » ou de « loupé » dans le fonctionnement subjectif de notre contemporain, « quelque chose » qui nous conduirait à incriminer le lien social de notre époque. La position subjective respectivement adoptée par l’Homme aux loups et l’Homme aux rats fait-elle d’eux nos…

L’homme, entre loup et rat. Pierre Bruno 

Cette névrose pose au premier chef l’exigence de transcender le sens, en permettant à l’amour (et non au désir) de s’adresser au savoir. Dans l’« Introduction à l’édition allemande des Écrits » (1973), Lacan indique bien que cet amour est une illusion, au sens où il n’y a pas, au final, noces de l’amour et du savoir, mais il insiste sur ceci que cet amour revêt, dans la cure, une forme inconnue par…

DAMAS

À l’automne 2010, s’est tenu à Damas, à l’initiative de Rafah Nached et de moi-même, un colloque intitulé « Le féminin dans l’expérience mystique et la psychanalyse ». Pendant trois jours, deux cents personnes ont assisté et participé à ce qu’il faut bien qualifier d’événement dans le monde arabe. Psychanalyse a décidé de publier ensemble les textes présentés par nos collègues syriens dans ce colloque,…

Introduction : « dire l’indicible ». Rafah Nached 

Cette rencontre aujourd’hui à Damas même, avec tout ce que représente cette ville au niveau historique et culturel, est une rencontre pour dire l’indicible. L’indi­cible pour nous, psychanalystes à Damas, c’est le spécifique, ce qui nous fait différents et pourtant aussi semblables à l’autre. Notre expérience s’exprime à travers la parole. C’est une parole qui change et qui transforme la vie de l’être,…

La femme sacrifiée et l’inhibition du désir. Rana Sayyah 

Malika a 37 ans. Elle m’a été adressée par une organisation humanitaire qui l’avait accueillie à la suite de la guerre dans son pays. Malika et sa famille ont été exposées à une série d’événements qui les ont traumatisées : à la suite d’un accident, le père de Malika devint invalide ; puis un membre de sa famille fut enlevé ; elle-même fut victime d’une agression sexuelle à la suite de laquelle elle…

La femme : le traumatisme et le désir. Mouna Bara 

On m’a demandé d’être psychothérapeute dans un établissement d’accueil appelé « refuge ». C’est un immense bâtiment à l’intérieur de grands murs, loin de Damas. Il accueille les femmes irakiennes victimes de violences jusqu’à ce qu’elles puissent émigrer à l’étranger, car elles ne peuvent revenir dans leur pays du fait de la guerre. Une équipe assure l’assistance sociale, le soutien psychologique,…

La jouissance dans le symptôme. Omar Abdeldine 

Au cours du premier entretien, il m’a dit : « Je lui ai baisé sa fille. » Cela s’était passé lors de son premier jour à l’université : il avait vu cette fille, avait su qui elle était et, immédiatement, l’avait baisée « télépathiquement, en la regardant ». Il avait fait cela pour se venger de son père bien connu, pour l’insulter et le provoquer. Dès cet instant, tout changea dans sa vie, car après…

Tâsîn de la préexistence et de l’ambiguité. « Moi et toi, trahison ou pur amour ? » Rafah Nached 

C’est grâce à Pierre Lory que j’ai découvert l’œuvre de Hallâj intitulée Le Tâwasîn. Il contient quatre chapitres. C’est un admirable traité philosophique et d’amour mystique. Le chapitre intitulé « Tâsîn de la préexistence et de l’ambiguïté » m’a posé des questions pertinentes qui viennent du texte même, de la position de désobéissance d’Ibliss par rapport à Dieu quand il refuse de se prosterner devant…

Facebook et le lit. Kholoud Haneidi 

La première fois que je vois Samer, il est étendu sur un brancard dans le hall de l’école où je travaille comme psychologue ; il crie et se frappe la tête avec les mains. Dans l’ambulance, il s’agite encore plus, présente des convulsions et saigne du nez. Le secouriste décide de l’emmener directement aux soins intensifs, craignant que le saignement de nez ne signale un problème de tension artérielle….

L’homme mort et la jouissance féminine dans les rêves d’une femme. Rajaa Jabr

À l’instar de beaucoup d’actrices célèbres, Leila est attirée par la psychanalyse. Cette femme d’une trentaine d’années, l’aînée de ses frères, déclarait d’ailleurs au début de son analyse : « Deux choses me font peur dans la psychanalyse : m’étendre sur le divan et parler de ma religion. » C’est une liaison ratée qui l’a menée à la psychanalyse, liaison qui avait ajouté encore plus de tristesse, de…Rajaa Jabr : L’homme mort et la jouissance féminine dans les rêves d’une femme…

LA FIN

Passe et fin d’analyse : cruauté et place vide. Thérèse Charrier 

Nous n’avons pas tout à fait conclu, il me semble. » Cette parole de l’analyste déclencha la décision de faire la passe. Elle fut prononcée hors contexte de la cure. Puis, l’analyste tournant le dos, ne laissant aucune possibilité de lui répondre, je restai outrée. Je l’avais laissé tomber sans rien dire depuis plusieurs mois, répétant le laisser tomber de l’analyste précédent…

L’ASSOCIATION

La clef de voûte. Ramon Menendez :

Le signifiant « manifeste » est chargé d’histoire. L’usage actuel le situe comme une forme de « déclaration publique ». Mais il y a une autre acception chère à la psychanalyse, celle qui, par exemple dans le rêve, se dessine par opposition à ce qui reste « latent ». La série de manifestes ne cesse pas de croître. Sans être exhaustif, citons celui des Égaux en 1796, issu du mouvement des Égaux qui apparaît…

PAS DE PORTE

 « Faire communauté ». Alain Lacombe 

Depuis ma fonction de psychologue hospitalier, dans l’institution hospitalière, je me propose de conjoindre deux termes : « communauté » et « autisme ». Communauté, donc, plutôt qu’institution. Je voudrais illustrer d’un fait ce que j’ai appelé « fairecommunauté », dans l’institution, à partir d’une contingence. La contingence est un moment qui vient surprendre : il se passe quelque chose. « Faire…

EXTÉRIEURS

Entretien avec Vincent Macaigne. Jean-Paul Rathier et Patricia Léon

Scène et salle confondues, le théâtre n’aura été et ne sera jamais qu’un champ de bataille, avec des tragédies du pouvoir qui se révèlent toutes, au bout du compte, comme une tragédie du désir. C’est ce que dit Lacan à propos d’Hamlet, et que Vincent Macaigne met en jeu à travers Requiem 3, créé en mars 2011 au théâtre des Bouffes du Nord. Une œuvre en forme d’écorché théâtral de l’épisode biblique…


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PSYCHANALYSE N°20

Psychanalyse, féminin , expérience mystique

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    janvier 2011

THÉORIE

À propos du savoir du psychanalyste. Marie-Claude Lambotte

Le texte sur le savoir du psychanalyste proposé par l’APJL comme document de travail pour les assises des 6 et 7 février 2010 m’avait suggéré quelques questions qui s’apparentaient plus à des pistes de travail qu’à des remarques précises sur le texte même. Autrement dit, il s’agissait davantage de réflexions que de critiques proprement dites. Et comme le temps de parole était fort court pour un tel sujet, je me suis laissé tenter, en reprenant mes notes, à pousser les associations auxquelles m’avait menée le texte. Opération sans doute productive mais sans fin. On ne peut donc, il m’a semblé, qu’interpeller le savoir du psychanalyste par un bord puis par un autre, etc., de telle manière qu’il se confonde bientôt avec la position du psychanalyste, laquelle n’est pas, dès lors, sans rapport avec l’éthique…….

Schreber : Une femme de La femme. Marie-Claire Terrier

En ce 29 juin 1905 toute la famille Schreber est rassemblée autour de Pauline pour fêter ses 90 ans. Elle est entourée de ses enfants, petits-enfants et arrières petits-enfants. Il manque à la fête son époux Daniel Moritz mort depuis 44 ans et son premier fils Daniel Gustav qui s’est suicidé d’un coup de révolver 28 ans plus tôt. A cette occasion, son deuxième fils Daniel Paul (toujours prénommé Paul au sein de sa famille) sorti depuis 11 ans de son deuxième internement, a écrit un poème. Peut-on ici dire en parlant de ces maisons qu’il s’agit du lieu de l’Autre……

Du dénouement au dénuement. De l’amour…Yamina Guelouët-Thabet

L’expérience mystique (ici à travers Rabi’a El Adawiyya, mystique Soufie de l’Islam) dans la quête de l’Amour Divin, celle de l’analytique qui se fonde sur l’amour de transfert et la recherche de l’Agalma dans le champ de l’Autre, convoquent le féminin dans l’épreuve du dénouement et à son au-delà, la Chose au cœur de l’Etre. A la limite de l’expérience, une subversion se produit : dans l’une, la quête de Dieu cesse avec la réalisation en soi du Trésor de l’Amour Divin, dans l’autre, la traversée de la détresse originelle, se solde, dans une épreuve qui touche au dénuement, par la cession de l’objet précieux agalmatique. Où se révèle la retrouvaille de ce qui était déjà là, au commencement, le Don d’Amour, qui a opéré pour amener le sujet à la limite infranchissable de l’accès à la Chose avec pour corrélat le gain inestimable du Désir…

L’autre côté. Pierre Bruno

Il existe à Paris une très grande place, la place de la Concorde. Sur cette place, se dresse un obélisque, que Bonaparte a rapporté de Louxor en Égypte. Cet obélisque est entouré d’une grille de protection. Lacan raconte à ce propos une historiette : un homme se tient face à cette grille, ses mains agrippent les barreaux et il crie : « Je veux sortir », alors qu’il lui suffirait de se retourner pour s’en aller tranquillement se promener sur la plus grande place de Paris. Se retourner, c’est découvrir ce que j’appelle « l’autre côté » et que je considère comme une métaphore tout à fait appropriée pour dire ce qui se passe au terme d’une psychanalyse…

La douleur, dernière frontière ? Jacques Marblé

La douleur, dès l’Entwurf, a une place importante dans l’œuvre de Freud qui ne distingue pas douleur morale et douleur physique (Schmerz en allemand). Lacan dans le Séminaire l’Ethique de la psychanalyse présente la douleur comme une limite entre le sujet et das Ding, la chose freudienne, cet objet dont la jouissance est interdite au sujet parlant. Le secret véritable, que l’esthétique freudienne montre, est cet objet inaccessible qui fait de la douleur une pseudo-pulsion…

Création artistique, mystique et psychanalyse. Laure Thibaudeau

À plus d’un titre, il semble qu’il y ait des points communs entre l’épreuve mystique, l’expérience analytique et la création artistique. Dès le premier abord, on ne peut manquer d’être frappé, du moins en Occident, par les témoignages de souffrance qui accompagnent ces grandes expériences humaines, qui toutes trois font partie de celles dont on dit justement qu’elles éclairent ce qui est proprement humain, « en tant qu’elles se posent comme assimilatrices d’une barbarie 1 », dit Lacan. En effet, elles permettent de faire trace de la culture dans la civilisation. Et elles restent vives dès qu’on s’y intéresse, alors même que la civilisation qui les a vues naître a disparu……

L’ex-sistence de la déité chez Maître Eckhart. Pascale Macary-Garipuy

Maître Eckhart (1260-1328), chef de file de la mystique rhénane posa un principe relevant d’une pure essence, la « Déïté ». Cette Déïté se situe au-delà de tout le créé, y compris de Dieu et partant de la Trinité qui ne sont qu’intermédiaires – de l’ordre du créé – entre l’homme et le principe incréé. Cette place de la Déïté, qui ne se situe pas dans notre monde, mais y ex-siste, est en place de la Chose freudienne. Eckhart pose que celle-ci peut s’atteindre par la voie d’un travail ascétique et par un certain défilage d’un langage trompeur : le « fond » de l’âme, relevant de cette Déïté de Dieu, non touchée par le mouvant de l’existence, serait à même de s’unir – dans le sens d’un retour au néant- à l’incréé déïtaire…

Nora, « sais-tu ce qu’est une perle et ce qu’est une opale ? »Patricia León

Nora n’est pas un prénom indifférent pour Joyce. On peut bien imaginer son ravissement une fois le coup de foudre installé : « L’image de la jeune fille rentrée dans son âme à jamais », ce sont les mots de Joyce, son ravissement quand il apprit qu’elle portait un prénom tiré d’Ibsen, son idole, « son père spirituel  ». Joyce a à peine 18 ans quand il écrit son premier article, « Le nouveau drame d’Ibsen  ». Le texte est consacré à l’analyse de la pièce d’Ibsen qui vient de sortir et qui est déjà en cours de traduction dans douze langues : Quand nous nous réveillerons d’entre les morts. C’est par cet écrit que Joyce commence à se faire connaître. Les premières lignes de cet écrit disent : « Il y a vingt ans qu’Ibsen écrivit Maison de poupée, marquant ainsi, ou peu s’en faut, une date dans l’histoire du théâtre. »…

LE CAS

Obéir librement. L’énigme de Marie de la Trinité. Isabelle Morin

Paule de Mulatier, Marie de la Trinité en religion, a vécu de 1903 à 1980. Cette mystique, contemporaine fut une analysante du Dr Lacan dans les années 1950. De 1936 à 1946, elle a rédigé trente-cinq carnets d’environ 3250 pages, dans lesquels elle témoigne de sa rencontre d’amour avec Dieu et développe une riche doctrine théologique. Certains écrits se révèlent être des documents d’une grande valeur…

LA PASSE

« Défunte »… pas tant que ça ! Chantal de Bodinat

« Il était une fois » une histoire particulière, comme toutes les histoires. La décision de passe, après celle de finir l’analyse, a permis de déplier la logique inconsciente de cette histoire, dans un temps pour conclure, vécu dans l’étrangeté d’un « hors transfert ». Question qui fait énigme et touche à l’après nomination et à la transmission…

REBOND

La fille de la légende. Isabelle Morin

Le 23 octobre 2010 à 7 heures du matin, un ami très cher m’envoie un SMS : « Lis Libération de ce matin, deux pages sont consacrées à la fille de Calamity Jane. » Dix minutes plus tard, un second SMS : « Passé le traumatisme, cela corrobore ta thèse. » L’article porte sur Jean McCormick, fille de Calamity Jane, dénommée Janey Hickok dans les lettres de sa mère. Elle serait maintenant considérée comme une mythomane qui aurait inventé de toutes pièces cette histoire d’un père héros et d’une mère l’aimant d’un amour immense au point de consentir à la perdre. Selon la journaliste, elle aurait elle-même écrit ces lettres. Il y a un léger mépris dans le ton de la journaliste qui raconte le destin de cette femme, dont la fin a été aussi triste et démunie que celle de Calamity Jane……

PAS DE PORTE

« Il fait nuit dans la tête et froid dans le cœur ».Brigitte Gauthier

Depuis longtemps j’éprouvais un malaise face à ce qu’on appelle couramment « la prise en charge de la douleur des patients » à l’hôpital ; elle me paraissait nécessaire et en même temps j’avais la sensation que, dans la manière dont elle était organisée, quelque chose n’était pas juste. Cependant, je travaillais avec les médecins et les manipulateurs radio à la mettre en œuvre dans le service, car comment dire mes hésitations sans passer pour insensible dans un lieu peu propice au débat philosophique ou psychanalytique ? La difficulté était de trouver une formulation qui reflète aussi fidèlement que possible mon questionnement et en même temps le rende audible par d’autres. Faire le panégyrique de la prise en charge de la douleur telle qu’elle avait lieu ne m’intéressait pas davantage que de la démolir……

EXTÉRIEURS

Rhumatismes. Emmanuel Venet

Ma mère aimait beaucoup bavarder avec celle de mon ami Bonnardier, malgré leurs quinze ans d’écart. Toutes deux partageaient une même passion pour les maladies, surtout les maladies mortelles. Ma mère souffrait d’arthrite, celle de Bonnardier d’arthrose. Quand elles se rencontraient au marché de Monplaisir, elles n’en finissaient pas de se raconter leurs martyres respectifs et se livraient à un âpre concours de symptômes. Du côté de ma mère, les fulgurances dans les doigts, du côté de Bonnardier les hanches broyées le soir. L’échange se terminait toujours sur un hypocrite constat d’égalité, chacune emportant au fond d’elle la certitude d’avoir gagné la manche…

Y ETU?

Si je pense dans une langue et j’écris « le chien court derrière le lièvre dans le bois » et veux le traduire dans une autre, je dois dire « la table en bois blanc enfonce ses pattes dans le sable et meurt presque de se savoir si sotte ».

Pablo Picasso. Écrits, 1935.

 

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PSYCHANALYSE N°19

Joyce. Le père et ses noms. 

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septembre 2010

THÉORIE

Scares of all knotknow : John Holland

Une comparaison entre un paragraphe de Finnegans Wake de James Joyce et la traduction française de Philippe Lavergne fait ressortir certains éléments que le traducteur n’a pas rendus : la problématique d’un choix forcé auquel s’oppose le désabonnement à l’inconscient.

Mots-clés : James Joyce, Finnegans Wake, traduction, choix forcé, désabonnement à l’inconscient

Lucie(w)hole : Pierre Bruno

Finnegans wake, de Joyce, nous incite à repenser la façon dont peut être obtenu le « désabonnement à l’inconscient » et , en même temps, à prendre la mesure du fait que l’analysant n’est pas seulement un sujet en quête d’un sens, mais un sujet en mesure d’admettre qu’il est agent du travail de l’inconscient, tel que celui-ci est le seul à pouvoir donner forme à la jouissance qui, autrement resterait hors la prise du symbolique…

Ethernité :Elisabeth Rigal

L’auteur prend pour point de départ le temps chez Joyce et lie cette question à celle de Dieu (l’éternité) très présente dans les premiers textes. L’éternité trouve sa place dans les écrits suivants à travers l’occultation de la mort : les morts se réveillent comme les dormeurs. Le temps se trouve lié à la forme de spatialisation que l’écriture de Joyce introduit, sa tentative inachevable de délimiter les choses par une fine, fine ligne », sa façon à lui de répondre, dans une création infinie de néologismes, à l’inconsistance d’une langue (éthernité)…

Joyce ou l’espace-temps du sinthome : Ramon Menendez

L’astrophysique se trouve confrontée à un réel qui, sans être celui du sujet, la pousse au travail. Ainsi, l’observation des « trous noirs » et la théorisation qui en découlent, soulèvent des questions qui peuvent intéresser la psychanalyse. Dans ces écrits Joyce propose une conception du temps et de l’espace inédite dans la littérature. Elle est cependant au diapason de la physique de son époque et tout particulièrement de la théorie de la relativité d’Einstein. Cette conception du temps permet ce qu’il appelle les « arrangements rétrospectifs ». A travers cela nous chercherons un éclairage sur certains aspects de la cure.

Mots-clés : Joyce, astrophysique, trous noirs, relativité, temps subjectif, sinthome

Pour une discussion sur le savoir du psychanalyste. Erik Porge

Une interrogation sur le « savoir du psychanalyste » nécessite l’articulation (conjonction et disjonction) d’au moins trois termes : le savoir, la vérité, le sexuel. La rencontre avec l’absence de garantie dernière des vérités mathématiques peut constituer une approche de « l’horreur de savoir »…

QUESTION(S)

Le salut de la psychanalyse : Sandrine Aumercier

La jouissance est-elle atteinte dans le symptôme contemporain ? Doit-elle au contraire être atteinte dans la cure ? Lacan la situe du côté de l’impératif inassouvi ou de la jouissance féminine, ce qui permet, nous semble-t-il, d’éviter d’instrumentaliser ce concept, tant dans la cure que dans une politique de la psychanalyse…

LE CAS

Hybridation : Bibiana Morales

Dans l ‘œuvre de Virginia Woolf, nous trouvons une logique entre l’écriture d’un livre et le suivant. Ainsi l’écrivain suit une méthode, celle de la double écriture. Cette méthode singulière est articulée, selon nous, à la topologie de la coupure. La double écriture instaura une séparation stabilisatrice pour le sujet. Au contraire l’hybridation de l’œuvre –deuxième moment de la production de l’œuvre- efface cette limite par la fusion de deux écritures. L’écriture s’holophrase. Cette hybridation est attachée à la logique de l’Un et à l’impossibilité de l’extraire par la fusion de deux éléments. La double écriture a une fonction de séparation par la répétition Un à Un. La création hybride, au contraire, ne produit pas une séparation. Elle produit l’Un qui arrête la chaîne signifiante, l’Un de l’holophrase…

LA PASSE

La douleur dans la cure ou le silence de l’incréé. Jacqueline Ferret

La passe ne coïncide pas forcément avec la conclusion de la cure. Si elle permet toujours de dire s’il y a eu ou pas de l’analyse, elle ne réussit pas toujours à dégager le désir de l’analyste. C’est la conclusion de la cure qui, par ses effets, atteste le passage à l’analyste. L’extraction de l’objet a, regard ou voix, est nécessaire. Cette extraction permet à l’analyste de tenir une position éthique : l’éthique du silence.

Mots-clés : passe, silence, désir de l’analyste, objet a,  conclusion de la cure

Histoire d’une lettre arabe qui se fait trait sur le corps d’une femme. Yamina Guelouet

Il s’agit de l’histoire d’une dépossession sous occupation coloniale, celle du nom généalogique d’origine arabe avec lequel le sujet s’est construit, effaçant son inscription dans la filiation à travers les générations. Ce défaut du nom va faire trou, laissant le sujet directement aux prises avec le réel de la jouissance. Son énonciation mise sous scellés, il sera plongé dans un océan d’intranquillité qui l’amena à s’engager dans un travail analytique. C’est à travers une longue quête que le sujet va se réapproprier son nom, et accéder au désir en extrayant une lettre qui se fait marque sur le corps. La passe lui aura permis d’en témoigner en dégageant les articulations logiques qui l’ont amené à la réalisation de la structure.

Mots-clés : dépossession colonial, nom généalogique, défaut du nom, réel de la jouissance, lettre, marque sur le corps, féminin

LA STRUCTURE

Le père et ses noms. Catherine Bruno. Pierre Bruno

Le texte traite de la question du père et de ses noms dans l’enseignement de Lacan, de l’écrit « Subversion du sujet et dialectique du désir » à l’écrit « Kant avec Sade » d’une part, et du séminaire sur le transfert jusqu’au séminaire sur l’angoisse. On peut repérer dans cette période de 1960 à 1963 un questionnement concernant les conséquences de l’équation père symbolique = père mort et déjà les signes d’une mise en cause du père symbolique comme agent de la castration.

Mots-clés : père symbolique, père mort, agent de la castration

EXTÉRIEURS

« Il l’écoute et il parle ». La correspondance entre Descartes et Elisabeth : une rencontre originale. Delphine Coquard

La correspondance entre Descartes et Elisabeth porte initialement sur la question théorique de l’union de l’âme et du corps mais s’articule rapidement à la question de la guérison du corps par l’âme du fait de la « mélancolie » d’Elisabeth et des interrogations qu’elle adresse à Descartes. Cet article présente quelques dimensions de cet échange épistolaire, en s’interrogeant, certes, sur ce qu’il se dit dans ces lettres de l’union âme/corps et des difficultés qu’elle suscite tant théoriques que pratiques, mais surtout sur ce qui s’y passe : la temporalité de la correspondance, leur rencontre, leur rapport au savoir, la dimension écrite de cette parole.

Y ETU ?

« Il a peut-être dit :

Si j’avais été un autre que moi,

je serais devenu moi, encore une fois. »

Mahmoud Darwich, Le lanceur de dés et autres poèmes, Actes Sud, 2010.

 

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PSYCHANALYSE N° 18

 Le symptôme. Ségrégation. Extase 

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mai 2010

THÉORIE

Séparation et refus : considération sur le choix de l’anorexie. Massimo Recalcati 

Dans cet article l’auteur montre, sur la toile de fond d’une relecture critique de Lacan et de sa propre expérience clinique, l’existence de différentes déclinaisons possibles du refus anorexique ; le refus comme manœuvre de séparation, comme “refus du corps”, comme défense et comme “appétit de mort”…

L’Extase. Balbino Bautista 

L’ouverture à la jouissance féminine, que Lacan dit « supplémentaire » à l’autre, la phallique, sa reconnaissance, que les moments d’extase voilent, suppose une coupure, l’acte par lequel est tranché un indécidable, l’aporie théologique relative au Bien plutôt qu’au Vrai. La jouissance féminine advient avec le franchissement de la barrière du Bien, mais elle n’est atteignable, accueillie comme telle, qu’avec le franchissement de la barrière du Vrai…

La toxicomanie comme tenant lieu de symptôme .Pascale Macary- Garipuy 

Prenant à la fois appui sur le fait clinique de l’angoisse surgissant à l’arrêt de la prise du produit, et sur la fonction logique du symptôme dans la structure, l’auteur soutient que la « toxicomanie » n’est pas une solution symptomatique. L’apparition de l’intoxication, fréquente au temps dit de « l’adolescence », pose la question d’un second temps du symptôme, temps qui serait évité par le sujet qui choisirait de fuir dans une jouissance non phallique, évitant d’assumer la rencontre avec l’Autre sexe et le non-rapport sexuel, soit reculerait devant la castration…

L’ASSOCIATION

La ségrégation. Lina Velez 

Cet article se propose d’analyser la notion de ségrégation que Lacan introduit et déploie entre 1967 et 1970. Ce concept apparaît au croisement de trois problématiques : le lien social et la politique, l’institution analytique et la passe et finalement le discours de la science. La ségrégation est le principe même des discours qui structurent les liens humains. Il s’agit d’analyser d’une part le principe de ségrégation comme fait de structure et indissociable de l’humanité et d’autre part les phénomènes de ségrégation en tant que pratique dans le lien social contemporain…

Une expérience de cartel à l’APJL 

  1. Y mettre du sien : subversion ? profanation ? . Anne Volumard-Debry 

L’expérience de ce cartel m’a permis de préciser ce qu’il en est du réel de la transmission de l’analyse, hors cure. Cela a dévoilé la dimension politique du cartel, sur le versant du père réel, dans le sens où chacun y met du sien, à travers la livraison d’un intime qui a toujours quelque chose à voir avec une forme de transgression …

  1. Est-ce que ça passe ? Marie Claire Terrier

L’ expérience singulière de ce cartel m’ a permis de revisiter ce que fut mon travail en cartel .C’ est en position d’ analysant et non d’ analyste que l’ on s’ engage à y travailler à partir d’ un point d’ ignorance pour tenter de faire passer à d’ autres ce que l’ on a trouvé . Le produit de celui-ci fut de me permettre de rendre publique ma question, de la profaner en la faisant sortir du lieu sacré que peut être le cabinet d’un analyste …

c.« Qu’importe qui parle, quelqu’un a dit qu’importe qui parle ».Thérèse Charrier 

L’ expérience de ce cartel comme « plus une » fut une expérience de corps à corps avec le dispositif, sa mythologie et ses rituels : fonction du plus un ; déclaration ; titre ; production ; adresse ; dissolution .La question de l’usage de la cure et de l’intime s’y est posée de manière vive, interrogeant la place de différents dispositifs dans une association et la césure qu’ils créent entre sacré et profane…

LA PASSE

La passe, le réel et le dire .Claire Harmand 

La passe, expérience en cours, est une « clinique du dire » du passant, un dire soutenant un propos authentique, avec une part « qui ne se réduit pas au seul savoir ». Ce « dire » dans la passe pose les questions du dire dans la cure, de la direction de la cure, de la transmission, de la nomination d’AE. Le pari, inédit, de faire école à partir de la passe, recentre la transmission de la psychanalyse sur les cures…

Jean Paul  Meurant

Quelques associations peuvent se féliciter de maintenir des dispositifs de passe et, depuis quelques temps, d’échanger à partir de leurs expériences. Ces débats sont à même de maintenir ouvert le cours de la passe en favorisant le questionnement sans quoi il pourrait bien s’assécher ou se détourner de son enjeu…

PAS DE PORTE

Le réel, la jouissance, le hors discours… ou quelques réflexions sur le dispositif dit « analyse de pratique » . Jean Pierre Leblanc 

A travers ce propos et cette réflexion sur l’analyse de pratique, il s’agit de montrer comment peut opérer une clinique qui s’oriente sur la question de la jouissance et du réel. Clinique engagée, qui ne recule pas devant ce qui objecte à la parole : ce qui affecte, ce qui trouble, ce qui se donne au plus opaque, peut être le signe du surgissement d’un réel qui, lorsqu’on peut en reconnaitre l’émergence, devient un chemin possible pour entendre la part d’inouï, la part d’ « impensable » à laquelle le sujet qu’on rencontre a à faire…

Y ETU?

Sé soulié tou sel ki sav

si choset ni tou.

Seule la chaussure sait

si la chaussette est trouée.

Proverbe créole

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